Ce blog c'est...

Un peu de tout, de moi, de nous... A lire, à sourire, à commenter et à partager!

samedi 12 décembre 2015

Journal de la mi-Avent


Les non-Facebookiens s'impatientent vu que je n'ai eu le temps que de poster quelques photos à l'arrache. Pour me rattraper, voici un petit album des péripéties de notre lutin, prenommmé Basile... Dès les premiers jours, il a montré toute sa gourmandise...


Note pour plus tard: ne pas oublier de ranger les garnitures pour crêpes.

Ensuite nous avons eu droit à quelques tentatives de cabrioles et escalades en tous genres...



Je suppose qu'il s'est essayé au ruban comme au cirque, mais visiblement au niveau des mesures, il est pas au point. 
Basile s'est aussi révélé musicien...


... Et joueur...


Bref, tous les matins nous apprenons à le connaître un peu. Et s'il faut tirer un bilan intermédiaire de l'expérience, grosso modo on se marre bien. Blondinet Ier est en passe de tomber pour association de malfaiteurs, il se plaît à être notre complice scénariste. Platinum est à fond, il le cherche avant même d'avoir décollé ses paupières et s'interroge toute la journée sur la cachette de Basile et sa capacité à le surveiller à la maison tout en gardant un œil sur les grands qui sont à l'école... Quant à Blondinet II, son âge fait qu'il hésite entre la douce illusion et le réalisme, mais c'est toujours celui qui rit le plus volontiers de la scène et qui fait les meilleures sorties. Ainsi, en trouvant Basile en pleine partie de Clash of Clans...


... Sa première réaction fut de se plaindre qu'il aurait au moins pu progresser dans le jeu 😂. C'est aussi sur lui qu'on observe la plus grande influence: vas-y que je te fais le lit et que je range ma chambre. On va devoir revoir le budget cadeaux à la hausse du coup. J'envisage de demander une indemnisation au Père Noël. Ou une participation à Basile, parce que visiblement, chez les lutins, y en a qui ont du cash à disposition. 



mardi 1 décembre 2015

Un Avent un peu différent

On est le 1er décembre.
Comme toutes les mamans pas franchement créatives ni franchement organisées, j'ai acheté (hier) de malheureux calendriers commerciaux avec de malheureux chocolats. Sauf que cette année, une personne débordant de la créativité qui me manque a piqué un chouïa mon orgueil. Elle m'a donné, il y a quelque temps, un simple billet sur lequel étaient écrits deux mots. Une googelisation rapide des termes m'a envoyée sans passer par le start sur le blog d'une maman encore plus créative... Sur le moment je me suis dis sympa. Mais paaaaaaaaas le temps. Paaaaaaaaaaaas les idées. Paaaaaaaaaaaaaas la créativité. Un amoncèlement de piètres excuses aussi haut que l'Empire State Building. J'ai tapoté sur le Net quand même. Non mais c'était pas jouable, cette histoire. Donc je l'ai laissée se rendormir pépère dans mon petit esprit surbooké. Et puis l'autre jour, je me suis surprise à jeter un œil distrait au rayon décorations de Noël, juste pour voir si des fois je ne trouverais pas "un truc qui ressemble". Nada. Mais comme je l'ai dit plus haut, mon orgueil avait été piqué, je me sentais un peu mise au défi. Et mon orgueil peut être ingérable (je compte sur ma partenaire de VTT pour vous en compter les méfaits, à l'occasion).

Mais de quoi est-ce que je vous parle au juste? D'une tradition de Noël américaine, récupérée par la blogueuse susmentionnée, Ciloubidouille. Elf on the shelf, ça s'appelle, à la base. L'idée est la suivante: un elfe malicieux vient passer le mois de décembre dans la famille. Il est actif la nuit, fait plein de bêtises, et se retrouve transformé en marionnette de chiffon dès que le soleil pointe. Et comme il oublie de regarder l'heure, on le retrouve alors dans toutes sortes de positions saugrenues. Une sorte de petite surprise à découvrir pour les enfants chaque matin, en somme: qu'est-ce que ce petit coquin d'elfe à bien pu faire la nuit dernière? Au vu des dégâts constatés, il pourra - à choix - avoir mis du dentifrice partout... être tombé dans la boîte de farine... s'être pris les pieds dans la guirlande du sapin... etc.

Voilà le principe de base. Aux Etats-Unis, on trouve un joli livre vendu avec la figurine de l'elfe, qui donne toutes les idées aux parents en mal d'imagination. Ca ressemble à ça:



Bon, je sais pas si vous serez d'accord, mais on dirait un peu un Pinocchio-qui-dirait-la-vérité en feutrine, cet elfe. Et puis il est américain. Donc on a le droit d'helvétiser un peu la chose. Et puis finalement, même si je suis vraiment à la ramasse quand il s'agit de faire des bricolages avec les enfants, je devrais quand même réussir à inventer 2-3 situations à la hurfe* pour faire marrer la marmaille. Bref, exit le Pinocchio de Noël et la bible des bêtises. De toute façon, j'ai décidé VRAIMENT de relever le défi ce soir à 16h20, donc il fallait parer au plus pressé.

Première étape, vendre l'histoire aux Blondinets. C'est que c'est pas franchement une tradition chez nous, alors je voyais pas trop comment leur faire comprendre le principe. Et puis je me suis dit que tant qu'à faire, on pouvait exploiter le filon pour les faire se tenir un peu à carreau ces prochaines semaines: l'elfe est à la base un émissaire du Père Noël, qui va lui faire son rapport sur la sagesse des enfants. Entre 16h20 et 16h40, le Père Noël a donc rédigé une lettre adressée aux Blondinets, leur signifiant que suite à un problème informatique (on vit avec son temps ou pas!), il avait perdu tous les dossiers de leurs méfaits commis ces 335 derniers jours. D'où l'envoi de l'émissaire. Avec explication du fonctionnement [j'avoue m'être plantée sur un ou deux trucs dans l'urgence, mais rien de vital]. Lettre sous pli, timbrée (avec un timbre tamponné, siouplaît! Bon, je compte quand même sur un minimum de crédulité de leur part et d'absence du sens du détail; personne n'a donc été lire le tampon de la poste. Mais je suis à peu près certaine que j'aurais réussi à leur faire gober que oui, Penthéréaz se trouvait bien au Pôle Nord, ce qui n'est pas un mensonge complet en comparaison avec le climat valaisan.)

Deuxième étape, et pas des moindres: trouver quelque chose qui ressemble à un elfe/lutin du Père Noël, de près ou de loin. C'est là que ça se corse. Après plusieurs magasins me laissant sur ma faim, j'ai finalement trouvé un lutin qui pourrait faire l'affaire. Vous découvrirez son physique avantageux en images dans un prochain article.

L'arrivée à la maison des Blondinets s'est, à vrai dire, déroulée de manière optimale: Blondinet Ier a vu l'enveloppe, l'a ouverte, s'est mis à la lire... Puis, de la cuisine, je l'ai entendu s'exclamer "c'est une lettre du Père Noël!" et la magie a un peu commencé. Il l'a lue à haute voix. Ils n'ont sûrement pas tout compris, les grands n'ont sûrement pas cru la moitié du tiers de mes inventions épistolaires. Mais au moment de passer à table, tout le gang se demandait déjà où le lutin du Père Noël pouvait bien se cacher pour mener à bien sa périlleuse mission de surveillance. Un peu de magie, un peu de mystère, finalement, tout le monde a plutôt envie d'y croire.

Je n'ai pas franchement le temps. Je n'ai pas franchement les idées ou la créativité pour composer un calendrier maison original. Mais grâce à deux mots sur un bout de papier et à un peu de fierté mal placée, cette année je crois que nous aurons un Avent un peu différent. Merci Céline.

samedi 14 novembre 2015

Paris, de la lumière à l'ombre

Bien loin de la soirée diapo présentant les dernières vacances de ma joyeuse troupe de blondinets, je vous propose juste quelques anecdotes de voyage et bilan des bons et mauvais plans de la visite citadine avec enfants de 5 à 10 ans.

Paris by air
Ce n'est pas par snobisme qu'on a opté pour l'avion (quand tu veux frimer, tu prends Emirates, pas un avion avec un logo orange cheap); financièrement, ça peut être intéressant. Sur le papier du moins. Parce quand t'as calculé le gardiennage sauvage de ta limousine à G'nève (oui, je sais, toi qui travailles dans le monde très sélect du transport aérien, tu te rebelles contre les compagnies de valet parking non officielles, contre la compagnie orange-qui-est-la-plus-moins-bien-du-monde, et tu vas encore me demander un inventaire des ballons de foot et porte-clés tour Eiffel ramenés illégalement, mes plates excuses pour les multiples infractions au code déontologique de la douane),  les plombes d'attente parce que t'es venu trop tôt pour pas louper ton vol, les queues à répétition, le prix du RER pour sortir de l'aéroport parisien évidemment situé à Pétaouchnok-Sud (c.-à-d. hors du plan des transports publics "normaux"), le retour à l'aéroport en SuperShuttle de la mort qui tue avec sièges en cuirs le dernier jour parce que décidément, le changement métro/RER/OrlyVal avec 3 blondinets fatigués et 4 valises à roulettes, c'est pas une sinécure, je suis pas sûre que l'économie vaille la peine. Tu économises certes les 52 parties de Uno dans le TGV avec les genoux sous le menton, mais niveau temps et argent, pas sûre du bénèf'. Par contre, c'était le baptême de l'air de Platinum, faut bien dire ce qui est, l'avion, c'est plus distrayant que se taper les 3/4 de la France dans un train qui va très très vite.

Se déplacer dans Paris
Ouaip, je vous la joue un peu guide touristique, c'est pour la bonne cause. Donc en soi, je sais bien que vous avez tous été à Paris et que vous savez tous qu'il y a un suuuuper métro qui dessert suuuuuper bien tous les coins où on peut avoir envie d'aller vadrouiller. MAIS à cette splendide certitude viennent s'ajouter les facteurs 3 gosses et 4 valises (le jour 1, du moins). Et là, le suuuuuuuper métro, il se transforme un peu en parcours du combattant. Non parce qu'ils sont pas bêtes, à la RATP, ils savent qu'il y a des gens qui prennent le métro avec des valises; donc y a des passages spéciaux pour pas t'emberlificoter dans le tourniquet. Sauf que des fois, tu te fais enguirlander par un monsieur parce qu' "il faut pas essayer de passer quand je suis pas là". Et il est pas souvent là. Des fois tu te dis "mais c'est bon, je vais y arriver". Mais en fait non. C'est soit la valise, soit toi. Tu finis par enjamber le tourniquet en veillant à ce que pas trop de monde regarde, et la valise dans la foulée. Évidemment, comme les chefs de gang sont gentils et compréhensifs avec leur progéniture, ils se chargent à 2 des 4 valises. Donc à chaque tourniquet, c'est la double angoisse. Enfin triple, parce que hormis les valises, faut aussi un peu se préoccuper des blondinets qui ne sont pas franchement rodés à l'exercice des transports publics où tout le monde court partout-et-où-faut-récupérer-son-ticket-à-chaque-passage.
J'ai oublié le début: acheter son ticket de métro. Enfin "son", faut le dire vite. Parce qu'après avoir renoncé à comprendre ce que l'automate à roulette essayait de nous dire (ça doit être un problème de traduction parisien-valaisan ou je sais pas), on a trouvé un employé zélé pour nous chercher les meilleurs plans possibles avec notre programme aéroport-Paris-Disney. Très chouette, il nous a fait économiser 50 euros. C'est pas des blagues. Donc ça vaut la peine de demander. MAIS pour l'économie réalisée, tu te retrouves avec 1 billet par personne et par jour. Ce qui dans notre cas faisait 15 tickets, dans ma poche de cheffe de gang sûre d'avoir tout compris et tout mémorisé sur quel ticket utiliser à quel moment et pour quelle personne. Ma gestion de la chose fut impeccable jusqu'au jour 3, où le méchant tourniquet refusa en bloc les tickets des enfants. Je dois admettre que j'ignorais avoir en moi ce côté masculin consistant à acquiescer en faisant semblant d'avoir compris: j'avais switché le chapitre "ne pas utiliser les tickets du lundi pendant le week-end, parce que sinon lundi vous vous retrouverez avec des tickets week-end qui ne marcheront pas". Mea culpa. Le pire du pire c'est qu'il y a dans ma mémoire un vague souvenir audio où Blondinet I me dit "t'es sûre que c'est pas ceux du lundi, maman?" Ce à quoi j'ai dû répondre, avec toute la mauvaise foi d'une maman-qui-sait-quand-même-mieux-que-ses-enfants "t'inquiète, je gère". Bref, 20 euros d'économie dans ta face. Ca t'apprendra à pas écouter pour de vrai.

Idée sympa pour se déplacer: le batobus. Ca évite les embouteillages du bus rouge et ça permet de visiter les lieux d'intérêts proches de la Seine sans se taper les tourniquets, les escaliers. Petit hic: départ toutes les 20/25 minutes à chaque stop. Et ça retire à Platinum son occupation préférée lors des déplacements parisiens, le pole dance intra métro.
Petit plus: la chasse au trésor en batobus: chaque enfant reçoit un livret et un cache-œil de pirate. On peut alors parcourir les différents arrêts à la recherche d'indices et en faisant les petits jeux du livret entre les haltes. Bon, autant vous dire qu'on a pas été jusqu'au bout et jamais trouvé le trésor. En vérité, je vous écris là de Saint-Germain-des-Prés où on cherche encore la rue Bonaparte. Mais l'idée est bonne quand même. Il y a d'autres possibilités de croisières ludiques que vous trouverez sur le site Ceetiz.


Voilà ce que j'ai eu le temps de pondre ces quinze derniers jours dans l'espoir de décrocher quelques sourires sur les visages de mamans se reconnaissant dans les mésaventures et peut-être de donner une idée de ce qu'il faut faire, ou pas, quand on la joue Gang in Paris.



Et puis il y a eu ce vendredi 13 novembre. Plus de sourires sur les visages. Des larmes. Des bruits d'explosions et de fusillades sur les images qui tournent en boucle sur les chaînes françaises. Un cortège d'ambulances qui se succèdent dans les rues où, il y a trois semaines tout juste, nous nous baladions en toute insouciance. Le choc. La peine. Le soulagement, il est vrai, de ne pas avoir été au mauvais endroit au mauvais moment, comme les dizaines et dizaines de gens qui ont perdu la vie cette nuit. La colère aussi, contre ces gens qui s'en prennent à des innocents profitant de leur début de week-end. Nous n'avons pas été au mauvais endroit au mauvais moment. Nous sommes sains et saufs, dans notre zone de confort et de sécurité. Pourtant, à chaque attentat, ils nous détruisent un peu. La zone de sécurité n'apparaît soudain plus si sûre. Nous nous retrouvons à expliquer à nos enfants que des fous tuent des innocents. "C'est ça, la guerre?", demandent-ils. Non. Si. Une certaine guerre, certainement. Un combat insensé au nom d'un dieu qui n'a jamais demandé ça, fondé sur des écrits mal interprétés par des gens mal intentionnés. Un dynamitage en bonne et due forme des piliers de la démocratie et de nos valeurs. Comment inculquer à nos enfants la tolérance ou la solidarité alors que les événements incitent à la peur de l'autre et de l'ouverture au monde? 
Quelle sera la riposte des dirigeants? Quelle sera la nôtre, une fois l'émotion passée? Ce matin j'essaie simplement de garder foi en l'humanité. Demain j'expliquerai encore à mes enfants la nécessité de ne pas croire tout ce qu'on lit ou entend. Peut-être que je m'aventurerai à leur définir ce qu'est un amalgame. Après-demain ou un peu plus tard, nous retournerons dans la Ville Lumière. Parce que rester chez soi, renoncer à s'ouvrir et à découvrir l'Histoire, la culture, le monde enfin, ce serait offrir une bien trop belle victoire à ceux qui cherchent à faire régner la terreur.
 

mercredi 21 octobre 2015

Quand je serai grand, je voudrais être... (2/2)

N'en déplaise à Monsieur D., je tiendrai ma promesse.
En fait j'avais commencé à rédiger l'article 1/2 comme d'habitude, à partir d'une ou deux sorties mémorables de ma progéniture, quand tout à coup une prise de tête mère-blondinet m'a fait revenir sur mes projets: mon article était incomplet car il négligeait le métier principal, exercé 24/24, 7/7, non seulement par moi mais par une bonne épéclée de trentenaires (et quadra... quinqua... tout ça tout ça, parce que quand on fait ce choix-là, on prend perpète).
Oui parce que parent, c'est sans aucun doute le métier plus compliqué à exercer. Aucune filière de formation, tu apprends sur le tas, dès que tu te retrouves avec un petit être criard de 3kg et des brouettes dans les bras. Des cours de préparation? A l'accouchement, éventuellement. Après, une nurse te montre vaguement comment changer bébé sans t'en mettre partout et comment le baigner sans risquer de l'ébouillanter ou de le laisser glisser dans la baignoire en plastique. Ca peut toujours servir (même si on est d'accord, on a tous quand même laissé glisser bébé une fois ou l'autre...). Des ouvrages de référence? A la pelle, mais pas deux qui disent la même chose. "Laissez votre bébé pleurer, il va apprendre à se calmer tout seul, sinon vous allez en faire un enfant capricieux et ultra-dépendant" [là je pourrais vous mettre une référence pompeuse à laquelle vous n'allez jamais vous référer et qui prouvera seulement que je me suis vraiment penchée dans un ou deux manuels de puériculture. Mais je vais vous épargner ça, déjà qu'y pas des masses d'images dans ce blog, si en plus il prend l'allure d'un mémoire de licence, je vais encore perdre quelques lecteurs dans la bagarre!] vs. "Ne laissez jamais votre bébé pleurer, il a besoin de votre contact, il se sent perdu, vous allez en faire un handicapé émotionnel." OK, mais concrètement, tu fais comment? Ben tu te démerdes. Sérieux, ça manque de suivi, cette histoire. Quand tu penses aux nombres d'examens que tu passes dans ta vie, aux entretiens d'embauche, aux périodes d'essai... Là, pour le rôle le plus important de ta vie - parce qu'il y a quand même une mini autre vie qui dépend de la manière dont tu vas t'y prendre - niet. On te lâche dans l'arène. Aucun prérequis. Pas d'examen d'admission. Pas de permis de procréer. Pas de certificat de capacité à éduquer. Ca fait souci quand même. On a pas intérêt à se planter, l'avenir de la société en dépend. Et la santé mentale des enseignants aussi.

Finalement il va pas être féministe cet article, je garde ça pour plus tard (si si, j'ai encore des trucs à dire). Les papas sont pas franchement mieux lotis que les mamans dans le domaine de l'éducation. Parce que si le rejeton pleure le jour de la rentrée, ça sera maman qui l'a trop couvé, mais s'il tombe dans la délinquance juvénile, ça sera papa qui a manqué de poigne. Certains jours, on a l'impression que c'est impossible de faire juste. On fait quand même du mieux qu'on peut. De temps en temps, on se prend une poignée de fleurs dans la face, quand la maman de Théo-Marcelin dit que Blondinet II a été trooooooooop poli au dîner où il était convié et qu'il a a-do-ré les brocolis vapeur. Quand Blondinet III ramène du vert sur les "Minions du comportement" (on a des maîtresses à la pointe de l'actu cinématographique, par chez nous). Quand la maîtresse de Blondinet Ier constate qu'il savait ce que c'était qu'une règle à respecter avant d'entrer à l'école. Alléluia, y a au moins pas 100% d'échec. Mais y a quand même vachement plus de moments de solitude, ceux où l'ensemble de la clientèle de la Migros se dit que tu dois pas toucher le puck pour que Blondinet III hurle à la sous-alimentation parce que tu lui refuses une branche Cailler à 11h45. Quand au troisième jour de vacances scolaires, tu te demandes combien de survivants il y aura à la lutte fratricide qui se déroule dans le salon/la salle-de-bain/la chambre des petits. Quand tu as l'impression de délivrer les gentils-grands-parents-baby-sitters de trois monstres en furie sur le coup des 17h30. Ou quand la maman de Gustave-Philibert vient sonner à ta porte, Gustave-Philibert sous le bras en guise de témoin, pour accuser tes blonds angelots de l'avoir traité de tous les noms d'oiseau. A ce moment-là, tu fais abstraction du fait que la génitrice en question a une réputation de foldingue et Gustave-Philibert de terroriste de préau, tu fais profil bas. Tu te dis que si t'as pas 100% d'échec, t'as pas non plus 100% de réussite. T'espère quand même que la balance penchera du côté clair de la force et que tes enfants deviendront des gens biens. Qu'ils seront heureux. Ce qui est dur, c'est qu'il n'y a pas d'entretien APIS (les fonctionnaires comprendront ;) pour les autres cette obscure abréviation doit vouloir dire qqch comme appréciation des performances avec incidence sur le salaire); je me demande à quel moment on sait si on a été bon ou pas pour remplir la difficile mission de la parentalité. On a pas de supérieur hiérarchique pour évaluer le job. Pas d'augmentation de salaire. Pas de salaire du tout d'ailleurs. Quand on y pense, c'est vraiment l'arnaque, ce métier-là. Non seulement il rapporte pas un clou, mais en plus chaque mioche coûte un bras. Et encore, y a plus qu'à faire des incantations pour qu'ils n'aient pas l'idée saugrenue de faire des études. Nan nan nan nan, tu feras un apprentissage, mon fils. Je veux aller à l'Île Maurice pour mes 20 ans de mariage, moi.

Bref, des fois entre deux prises de tête "est-ce que j'ai engueulé le bon?", "est-ce que j'aurais dû le punir?", etc. je me dis heureusement qu'on sait pas tout ça avant de procréer, sinon la croissance démographique en prendrait un sacré coup. Ou pas. Parce qu'on ne peut quand même pas se priver de tout ce qu'être parent apporte comme emmerdements  petits et grands bonheurs pour de basses considérations matérielles ou pour assurer notre santé mentale à court terme. Continuez d'enfanter, donc! Pour ma part je suis quand même sacrément contente que la phase où on sacrifie 2 ans de sommeil soit derrière moi :)

vendredi 9 octobre 2015

Gazette de la foirinette

Oui, je sais, j'ai promis un 2e épisode féministe sur la vie professionnelle de la trentenaire du  21e siècle, mais dans la vie y a des impératifs saisonniers auxquels nul ne peut se soustraire. La première dizaine d'octobre en fait partie. Je ne pensais pas spécialement en faire un rapport détaillé, mais honnêtement, ça vaut le détour. Je précise tout de suite que je n'ai pas personnellement vécu toutes les situations décrites, sinon il faudrait vraiment s'inquiéter pour mon foie moi; mais on croise du monde, pendant cette première dizaine d'octobre, et ce qu'on ne vit pas et ce qu'on vit mais dont on a aucun souvenir nous est toujours rapporté.
Donc pour les non-locaux de l'étape "comptoir", la très élégamment baptisée Foire du Valais se déroule plus ou moins les 10 premiers jours d'octobre. C'est une foire qui a l'air comme les autres sur le papier. Mais sur le papier seulement.

La première différence tient à ce panneau que les visiteurs croisent la sortie. Normalement, les foires et autres expos remercient de la visite et lancent un "à bientôt" approprié. Chez nous, c'est ça:


Je crois que je pourrais arrêter là tellement c'est limpide. Mais comme j'ai quand même relevé quelques anecdotes au cours des derniers jours, je vais continuer.

Donc le Valaisan aime sa foire. Le Martignerain aime le comptoir. Il ne réfléchit pas des lustres à la caisse, il demande immédiatement une carte permanente. Il faut venir 4 fois pour l'amortir. De mémoire de blagueuse, je ne me souviens pas avoir rencontré quiconque regrettant l'investissement pour cause de non-amortissement. Il y a les gens qui viennent à la Foire du Valais comme on va au Comptoir Suisse ou à BEA Expo, eux, on aurait pu (dû?) leur dire merci pour la visite. Et puis il y a le Martignerain, celui à qui on dit "à demain". De la ville, du Bourg ou de la Combe, il commence inconsciemment le décompte à J-355. Quand les tentes blanches commencent à se monter aux abords du CERM (centre d'expo), une excitation tangible règne sur la ville. Les réseaux sociaux s'animent. Le comptoir arrive, faisant à lui seul oublier les délices estivaux, la piscine, les glaces, le paddle board. Le jour J approche, les feuilles jaunissent, rougissent, tombent, l'air se fait frais et le Martignerain se fait impatient. Enfin le jour J arrive. Le temps se suspend... ou plutôt change de rythme, phénomène étrange, entre accélérations et suspensions successives.

Jour 1 - vendredi: la rumeur monte du CERM. La frénésie s'empare de la ville. Les plus impatients sont là à 10h pile, pour fouler en premier le goudron de la Terre promise. Nouveautés. Tourniquets à l'entrée. Expo. Haut-parleur. Tous les ingrédients sont là. Espace live, espace gourmand, les repères sont là eux aussi. Premier apéro. Plus si affinités. Et y a toujours des affinités au comptoir. Toujours. Tout d'un coup l'horloge se met à tourner plus vite sans que tu comprennes pourquoi. Apéro. Dîner. Ou pas. Manger c'est tricher. C'est aussi survivre. Mais des fois, le 1er jour, tu oublies et tu te remets du solide dans la panse que quand tu penses. Et tu penses pas souvent, parce que tu croises Jean-Etienne et Ginette que t'as pas revus depuis l'an dernier (au même endroit), et trois mètres plus loin tu croises Rodolphe, Pierre-Antoine, Riri et celui-dont-tu-oublies-instantanément-le-nom en sortie de boîte. Tu discutes. Tu bois une. Tu penses pas, donc tu manges pas. Plus tard, tu penses plus parce que t'as trop bu. Au final tu manges jamais. CQFD. A 23h tu parcours la moitié de la ville à pied parce que les flics sont forcément de sortie pendant le comptoir. Tu t'arrêtes pas trop au Motel parce que c'est bondé. Tu passes chez Paulette voir si y a du monde. Trois cougars sur la piste de danse, deux soûlons au bar, même Paulette accuse le coup. D'habitude, chez Paulette, y a Nicolas. C'est un peu le Gilbert Montagné du Bourg, version homme orchestre. Il gesticule moins mais il y voit rien. Le seul hic c'est que contrairement à Gilbert, il a une mémoire visuelle. Pour la musique ça va plus ou moins. Pour les paroles c'est un plus délicat. Du coup, quand Nicolas est au clavier, on est entre l'homme orchestre et le karaoké. Ceux qui chantent savent les paroles, à jeûn. Mais à l'heure où ils arrivent pour youtser avec Nicolas, y a belle lurette que les paroles se sont perdues dans leurs esprits embrumés. Ca chante fort, ça chante mal. Quand t'as plus de voix, tu files à la New St-Michel. Cette année, Nicolas n'est pas là, alors tu files un peu plus vite. Longtemps indispensable à l'after-comptoir, la tente de la St-Miche a migré. C'est toujours les mêmes gens dedans. Donc quand j'avais 18 ans, c'était jeune. Maintenant c'est comme moi. Ceux de 18 ans, y z'étaient pas né du temps de la première St-Michel. Comme elle a canné pendant un bon bout de temps, les jeunes ont d'autres repères. C'est pas plus mal, ça dilue la foule, à défaut de diluer l'alcool. Pis au milieu de gamins de 20 ans, on trouverait peut-être Goldman ringard et Balavoine has been. Tandis que là, la playlist nous semble top. A 3h, on rallume les lumières et on te pousse vers la sortie. Si t'as du bol tu chopes une pizza ou un hot dog en partant. Ton estomac t'en sera éternellement reconnaissant.

Jour 2 - samedi: petite mine au réveil. A 8h, tu prends conscience de tes obligations parentales. Tu émerges. Tu bois de l'eau. Tu souffres. Pas grave. Tous ceux que tu croises sont dans la même galère. Enfants; foot; apéro foot. Fuite temporaire. C'est bon, tu assumes, tu peux être fier de toi. T'arrives au rond-point, tu réalises que t'as oublié un des gamins au stade. Toute fierté est remise en cause; mais ça fait rire les potes. A 14h, tu t'effondres un moment sur le canapé. A 18h, la rumeur monte. C'est reparti pour un tour.

Jour 3 - dimanche: comme le jour 2. Sauf que tu repousses les obligations parentales jusqu'à 10-11h. Quelques parties de FIFA 16 n'ont jamais tué personne. Après tu pars en mission "le comptoir avec les gosses c'est bonnard". Et moins risqué. En théorie, du moins, parce qu'en pratique, ils ont réussi à mettre suffisamment de stands où tu peux boire manger à proximité des carrousels pour que les mioches ne puissent pas se perdre pendant que leurs géniteurs sont à l'apéro. Quand le budget autos tamponneuses est à sec, ils trouvent à s'occuper. Les gosses, au comptoir, ça a un détecteur à jeux foireux où tu peux gagner des stylos, des bonnets, des lunettes, ... Y a des animaux à voir, des barbapapas à manger. Ca s'occupe tout seul quoi. Pendant ce temps, toi tu t'occupes du budget pinard. Bizarrement, t'es pas aussi sensible aux chiffres rouges que quand il s'agit des carrousels. A 20h, ta conscience se réveille et tu te rends compte que demain, y a école. Tu rentres à contre-coeur. Ils s'amusaient tant bien, les enfants.

Jour 4 - lundi: prise de conscience matinale de ton indignité parentale. Les gosses sont HS. Toi tu vides deux barrages avant d'aller bosser. 17h. Rdv de la classe/du comité/des potes: y a que la première lapée qui est difficile. Si tu bois du bon, ça passe. Là tu manges. Faut pas pousser mémé quand même. A 21h30, on refuse de te servir à l'Espace gourmand et tu migres au Motel. Contrairement au week-end, c'est abordable. De toute façon y a pas de New St-Michel en semaine. T'arrives dedans, y a Taquet au micro et Gilbert qui accompagne. Magic Men ils s'appellent. Un véritable mythe vivant. Je connais aucun autre orchestre capable d'enchaîner "Toi qui voulais toucher la chatte à la voisine" et "Anton aus Tyrol". La folie. Donc tu te trémousses un peu en chantant à tue-tête. Après 2 min 30, t'as les semelles qui collent par terre comme si tu marchais sur une chique à chaque pas. Tu t'en fous, t'as pas mis des chaussures dommages. Le dress code du comptoir, c'est tout un art: des chaussures qui ont déjà vécu, une veste pas trop dommage parce qu'elle finira jetée qq part, du multicouche pour assurer les transitions dedans-dehors sans se choper une pneumonie. Et un sac en bandoulière pour poser toutes les couches que tu portes pas à l'intérieur. S'habiller pour aller au comptoir, c'est à peu près comme faire sa valise pour partir en Angleterre: faut parer à toutes les éventualités et être imperméable... Mais revenons au Motel. Non seulement t'as les pompes qui adhèrent au plancher, mais en plus, plus la soirée avance, plus c'est bondé, et plus tu te fais transpirer dessus par des gars répugnants avec une haleine de fennec et une odeur corporelle rappelant le vestiaire d'une équipe de hockey. Autant dire que si t'es en couple, tu fais pas trop gaffe, mais les célibataires, c'est pas dans cette boîte de sardines parfumée au hareng périmé qu'ils doivent chercher des plans drague. N'empêche, bonne ambiance pour un lundi. Tu te demandes si tous ces gens, ils bossent le lendemain. Peu importe, le gouffre temporel englobe toute la ville et les employeurs se montrent compréhensifs face au manque de productivité. De toute façon, ils sont pas là pour vérifier que tu pionces pas à ton bureau, ils ont apéro au comptoir avec un client.

Jour 5 - mardi: comme le jour 4. Pendant la journée, tu prends le temps d'aller faire des courses pour remplir le frigo. Fruits et légumes exclusivement. Faut essayer de compenser le régime tartare/foie gras des adultes et hot dog/gaufres nutella des enfants. Dès 17h: comme le lundi.

Jour 6 - mercredi: le jour des enfants. Alleluia. Comme le jour 3, 1h d'attente au stand du Nouvelliste en plus, histoire de faire dédicacer des maillots de foot. La dédicace du FC Sion est aux mamans de garçons ce que le passage au Motel est à tout foireur aguerri: indispensable.

Jour 7 - jeudi: tu te dis que la fin approche. Tu sais pas encore si c'est une bonne nouvelle ou pas. Ca te manque presque déjà, cette histoire. En revenant de la banque - renouvellement du budget pinard autos tamponneuses oblige -  tu croises une copine qui n' a plus de voix et n'enlève pas ses lunettes dans un parking sous-terrain. Tu te sens moins seul dans ton sentiment de fraîcheur à jamais perdue. Cernes marqués. Si t'étais un ours, tu serais sans doute la variété "à lunettes". Les organismes sont éprouvés.

Jour 8 - vendredi: TGI Friday. Donc on y retourne et demain y a pas école. Y a foot, mais bon, ne chipotons pas. Dans un élan de motivation, tu vas dîner tranquille en te disant qu'il n'y a aucun risque de rester coincé. Erreur de débutant. Quand tu arrives enfin à t'échapper pour retourner au boulot, tu te demandes si tu as vraiment grandi à un jet de pierre de ce lieu de perdition, pour te faire encore avoir comme ça à passé 30 piges. Mais bon, tu t'es échappé. Momentanément. Vivement 17h. Retour au jour 1, respectivement jour 2 pour le samedi 9e jour.

Jour 10: dimanche: tu te dis que c'est bon, que t'as ta dose. C'est décidé, aujourd'hui, t'y vas pas. Tu l'entends pourtant encore, la rumeur. C'était pas une si bonne idée d'aller habiter un peu sur le coteau, en fait. Tu vois les tentes, tu sens la fin de la ferveur. Du coup il suffit d'un rien: un gosse qui demande hyper gentiment une dernière barbapapa, un message un peu insistant d'un copain qui revient des Maldives justement aujourd'hui et irait bien faire un tour, et c'est reparti, une dernière fois. Promis, on fait pas long.

Je ne sais pas si la Foire du Valais est la plus grande foire de Suisse romande, de Suisse, ou du monde - sujet qui a fait débat dans la région en début de semaine. Mais ce que je sais, c'est que les Martignerains, pure souche ou d'adoption, entretiennent avec elle un rapport passionnel qui souvent les empêche de quitter les lieux jusqu'à ce que les sécus les poussent vers la sortie  à l'heure (décente) où ils pensaient rentrer. Elle les attire autant qu'elle leur fait du mal. Ils en redemandent, jusqu'à la der des ders. Pour cette année il nous reste 2 jours et des brouettes, profitons-en avant de sombrer dans l'attente impatiente de l'automne prochain! Pour l'instant, l'heure est aux festivités, alors santé!

http://www.foireduvalais.ch/fr/



lundi 5 octobre 2015

Quand je serai grand, je voudrais être... (1/2)


C'est généralement assez drôle de se rendre compte de la perception que les gens ont de ta profession. Faut bien avouer que même si on croit pouvoir imaginer avec plus ou moins de précision l'emploi du temps d'un enseignant ou d'un facteur, tous les emplois ont leur face cachée... et puis il y a plein de métiers qui ne sont que des désignations sans que l'on s'imagine vraiment ce que ces professionnels font de leurs journées. Ca me rappelle un épisode de Friends où Chandler n'en revenait pas qu'aucun de ses amis ne sache finalement le job qu'il exerce. Je me sens un peu pareil quand on me demande ce que fait mon mari. Je sais le nom de la boîte, je sais la fonction, j'ai même déjà visité les locaux. Mais quand le téléphone de piquet vibre pour signaler une alarme lyophilisateur ou pression basse local 142, je n'ai en toute honnêteté pas la moindre idée de ce qu'il va trafiquer sur place pour y remédier. Je me dis juste qu'il doit être sacrément fort, mon homme, pour savoir gérer ça.

C'est comme ça pour plein de métiers, mais quand il s'agit du nôtre, ça nous paraît toujours clair - et donc étrange que le commun des mortels ne visualise pas à quoi ressemble notre journée de travail. La petite image ci-dessus doit exister pour bien des professions. J'ai expérimenté dernièrement l'avis sans fioriture de mes blondinets sur la question. Tout d'abord celui de Blondinet Ier, qui aurait signé tout de suite pour un emploi de traducteur labellisé "Armée suisse" en voyant qu'il y avait des images de chars d'assaut (enfin, à peu de choses près, on est en Suisse, on assaille pas vraiment hein) dans le document que j'étais en train de traduire. J'ai réentendu le gosse de La vita è bella, lorsque, à la fin du film, il constate éberlué que son père ne lui avait pas menti et grimpe dans le char des alliés. Un caro! Un caro vero! Mais avant que mon premier-né ne signe son engagement aux Forces terrestres, j'ai bien dû lui avouer que ma connaissance de l'engin se limitait à ce qu'il voyait à l'écran. Ah bon, si on peut pas aller dedans, c'est tout de suite moins marrant. Finalement je vais quand même faire footballeur (OK, mais travaille quand même à l'école en vue du changement de voie qui t'attend quand tu auras compris le ratio appelés/élus de cette vocation).

Une autre fois, Blondinet II étant arrivé de l'école avant que j'aie terminé mon pensum du jour, il m'a interrogée sur les raisons obscures qui me faisaient naviguer entre mes deux écrans, mes 13 fenêtres ouvertes, d'un dictionnaire spécialisé à un texte de référence et du texte source au texte cible. Je lui ai donc montré, patiemment. Lire, comprendre, et redire dans une autre langue - la nôtre - la même chose sans que la personne qui le lise se rende compte que ça n'avait pas été écrit en français dès le départ. J'étais plutôt fière de ma petite démonstration, jusqu'à ce que Blondinet II demande: "Et après, tu fais quoi?" Euh... Ben la même chose avec la phrase suivante, le paragraphe suivant, les 24 pages suivantes. "Mais tu fais ça TOUTE LA JOURNÉE??" Stupeur et tremblements. Aux yeux (malicieux) de mon fils de 8 ans, ma profession a à peu près le même intérêt que le travail à la chaîne dans une usine. Cruelle désillusion.

Avec les potes aussi, il y a parfois matière à désillusion. Déjà les amis, sortez-vous de la tête l'idée que vous pouvez me faire traduire simultanément en anglais le dernier Passe-moi les jumelles pour votre cousin Arthur arrivé hier soir de Nouvelle-Zélande et passionné d'ornithologie. Je ne sais pas dire gypaète barbu en anglais. Ce n'est pas ça, mon travail. Je ne suis pas bilingue, ni tri, ni quadri, ni rien du tout. Je ne parle pas d'ailleurs (prière de ne pas ricaner), ceux qui parlent avec un casque sur la tête et un micro dans votre oreillette quand vous allez à une conférence internationale sur le réchauffement climatique, ce sont des interprètes. Moi j'écris, uniquement, et j'écris en français, à l'exception des communications avec les clients. Inutile de m'envoyer votre CV à traduire en allemand dans l'espoir de trouver un emploi outre Sarine, vous seriez sans doute recalé au premier round. Vous croyez que je chipote pour cause de flemmingite aiguë? Rappelez-vous le dernier mode d'emploi d'un appareil produit en Chine que vous avez essayé de déchiffrer. Il est sûrement le produit d'un pseudo-traducteur que l'on pensait assez qualifié pour traduire vers le français et qui ne chipotait pas, lui. Et puis on ne peut pas tout faire. Je change déjà de langue source et des fois je m'en rends pas compte tout de suite, c'est un peu comme changer la langue de l'audio-guide quand t'es dans un bus touristique pour visiter une capitale sans t'esquinter les panards (N.B: toujours faire le tour dans le bus touristique: le shopping et l'apéro y sont des plus limités, mais t'as l'air moins bête quand tu racontes ton voyage et qu'on te parle de tel musée ou tel monument; au moins, tu les as vus de l'extérieur), sauf qu'il faut s'arranger pour comprendre ce qu'il y a sur tous les canaux. Ce qui semble finalement déjà une performance honorable. Sauf quand on te sort "aaaaaaaaaah mais en fait t'es pas capable de traduire du bas-valaisan en haut-valaisan?". Si. A peu près avec la même aisance qu'un gestionnaire de fortune à qui on demanderait de construire un cabanon de jardin (si tu n'es pas de ma parenté par alliance et que tu ne comprends pas cette comparaison, c'est normal). Donc je m'abstiens. Et personne ne comprend ce que je fais finalement, si je ne fais pas ça. Mais croyez-moi, il y a bien assez de gens qui écrivent des trucs plus ou moins intéressants en allemand et qui se disent qu'ils aimeraient bien que les Welsch bénéficient du message pour que mon risque de chômage technique soit nul. Y a même une poignée de Tessinois qui font pareil histoire de varier les plaisirs. Et si vraiment la Suisse devient un jour une terre stérile pour le traducteur, où tout le monde parle l'Espéranto ou une autre langue unique, il me restera le Canada. J'ai testé, z'aiment toujours bien le français par là-bas. Le vrai, celui qui aime pas les mots anglais. Ils regardent "Beautés désespérées" et "Le Trône de fer", eux, tandis qu'ici tu prends une pluie de postillons dès que ton interlocuteur essaie de te parler des dernières aventures de Sansa Stark. Donc le traducteur a de l'avenir, ici ou ailleurs.

Je ne sais même plus quand j'ai commencé cette note de blog tellement ça remonte, et le temps de finir correctement me manque à nouveau... alors une fois n'est pas coutume, je vais mettre un to be continued  qui ferait dresser les poils à un traducteur québécois, en vous promettant un pavé féministe (si, si! et je le revendique d'avance!) sur le manque de reconnaissance de mon deuxième métier, sachant déjà que toutes les lectrices m'en seront éternellement reconnaissantes et que tous les lecteurs tireront un peu la tronche devant l'obligation d'admettre que, tout de même, c'est pas tout faux. To be continued, donc.

mercredi 19 août 2015

La loi des séries

Je croyais jusqu'ici que la loi des séries n'était qu'un concept inventé par les superstitieux pour nous faire croire qu'un malheur n'arrive jamais seul, que jamais 2 sans 3, et cætera, et cætera. Je reconnais aujourd'hui son existence incontestable. Ce que j'aimerais savoir, maintenant, c'est combien de temps ça dure exactement, cette histoire.

La première série fut automobile. Je n'ai jamais prétendu être une bonne conductrice, ce serait gonflé vu le nombre excessif d'experts du centre auto que j'ai déroutés (et qui m'ont déboutée). N'empêche que j'ai quand même conduit pendant plus de 15 ans avant de plier sérieusement. D'une manière générale, quelle que soit l'assurance, on était plutôt des bons éléments, le genre qui paient pour les autres, système de solidarité oblige. Mais ça, c'était avant. Une malencontreuse rencontre entre ma portière et le pare-chocs arrière d'une Citroën a mis fin à cette période. Chère Mobilière... M'est d'avis que le collaborateur qui a évalué mon croquis de l'accident a dû transmettre l'œuvre pour une prochaine publicité. Après ça, c'est l'homme qui a testé le glisser-stopper de croûte sur fine couche de neige. On dirait presque le nom d'un plat dans un resto huppé. Que nenni. Ni fromage ni œufs battus, juste la bonne vraie poudreuse de février qui se dépose sur fond de verglas et joue les entremetteuses entre le groin de notre deuxième voiture (internationalement reconnue comme un modèle unique en son genre, le moyen de transport le plus rouillé, le plus bruyant et le moins confortable qui soit, verrouillage impossible et coffre condamné - seule une poignée d'intrépides a osé en prendre le volant) et l'arrière-train d'une innocente, stationnée en station. Notre bien-aimé (faut le dire vite) tacot agonisa quelques semaines avant de nous forcer à le conduire à l'abattoir, victime d'un déficit de plaquettes de freins - c'était là le moindre de ses problèmes depuis sa tentative malheureuse d'accouplement avec la charmante demoiselle de la Vallée du Trient, mais la goutte d'eau fut rédhibitoire. L'assurance s'occupa sans ciller d'indemniser la victime de l'assaut; quant au tacot qui ne valait plus que les clous servant d'une manière très esthétique à lui maintenir le pare-chocs, aux dernières nouvelles il a encore été recalé à la sélection des véhicules potentiellement transformables en chars de Carnaval. Triste fin de vie. Pour notre part, nous n'avions plus qu'à nous mettre en quête d'un nouveau carrosse.

La deuxième série fut électroménagère. On pourrait accuser l'obsolescence programmée, l'ennemi du consommateur du 21e siècle qui s'en fiche d'avoir le dernier modèle en date, mais comme les appareils en question avaient quand même atteint l'âge vénérable de 15-16 ans, ce serait de la mauvaise foi. Bref, au début je l'ai pris avec philosophie: on peut très bien vivre avec 3 plaques de vitrocéram et les commandes qui nécessitent des astuces inimaginables pour fonctionner. On peut aussi survivre avec une hotte d'aspiration qui n'aspire plus ou qui s'éteint quand bon lui semble. Les fenêtres, c'est pas fait pour les chiens. Avec un four qui ne cuit plus qu'à moitié, ça devient quand même difficile. Mais disons qu'au moins, le technicien n'est pas venu pour rien. Un bilan complet et quelques factures plus tard, nous avions un vitrocéram neuf (l'espérance de vie des plaques restantes étant des plus limitée), et toutes les pièces nécessaires changées pour que les gâteaux cuisent jusqu'au fond. Sauf que le bricolage n'aura tenu que quelques semaines. Le reste du four a grillé. Là y a plus à tortiller du popotin, tu vires le vieux et tu prends du neuf, au risque d'être confronté à un problème d'obsolescence programmée plus tôt que de raison. La seule alternative aurait été de tout casser à la hache avec un énervement non contenu - en mode François Cluzet dans Les petits mouchoirs - et de faire intervenir Duay SA [oui, ceci est une publicité masquée destinée à l'obtention d'un rabais monstrueux lors de la prochaine commande] pour dessiner les plans d'une nouvelle cuisine. Mais bon, on devait déjà changer la voiture, faut pas pousser Mémé.

La dernière série fut cycliste. Qu'on se fasse piquer un vélo en ville, où le passage est fréquent et les vols aussi, on peut comprendre. Tout le monde sait que les modestes cadenas entortillés sont plus décoratifs qu'autre chose, un coup de pince coupante et le cycle est à disposition. C'est donc ainsi que mon homme dut renoncer à ses aspirations cyclistes. La suite fut plus surprenante: se faire piquer un vélo devant chez soi quand on habite dans un lieu reculé où l'on a l'impression que la délinquance n'arrivera jamais, c'est quand même énorme. On entend parler de bandes qui arrivent avec des camionnettes et embarquent tout; devant chez nous, c'est pas facile de faire tourner une camionnette discretos. En plus les vélos des bouebs sont restés là, ce qui contredit la théorie du crime organisé. La disparition de mon VTT peut donc simplement être due à un individu sans scrupules cherchant juste un moyen de locomotion temporaire. Mais statistiquement, y a pas beaucoup de chance que quelqu'un, malveillant ou non, se retrouve devant chez nous à pied par hasard. Il y a deux catégories de piétons dans le quartier: les voisins et les randonneurs. L'enquête se poursuit, aucune de ces deux possibilités ne semblant vraiment plausible. J'ai élaboré une théorie du complot dans laquelle une personne mal intentionnée m'aurait suivie à la descente de l'Arpille et observé nos allers et venues pour trouver à quel moment elle pourrait s'emparer de mon fidèle destrier. Aucune preuve, aucune nouvelle. J'avais le cœur  brisé par cette douloureuse séparation d'avec celui qui m'avait accompagnée sur les routes caillouteuses pendant deux ans... Mais il faut savoir raison garder: j'ai donc ravalé ma peine pour aller choisir une nouvelle monture. L'assurance ne nous en a même pas voulu pour ces deux prestations requises à 3 semaines (!!!) d'intervalle. Faut croire qu'on leur rapporte encore quelques sous. Ouf.

Finalement, ces séries n'ont concerné que du matériel, relativisons. Et puis à quelque chose malheur est bon, disait ma grand-mère (vous remarquerez que je suis d'humeur proverbiale ce matin): même pour des consommateurs modérés qui ne changent pas de matos juste pour avoir du dernier cri, se retrouver en quelques mois en possession d'une nouvelle voiture, d'un four et d'un vitrocéram flambant neufs et d'un VTT tout-suspendu-beaucoup-trop-bien-pour-moi, j'avoue que c'est plutôt jubilatoire!

mercredi 5 août 2015

Florilège des pires idées du blondinet en âge préscolaire

Je l'avais déjà mentionné dans l'article Déni de nostalgie, le 20 août prochain sera un jalon important dans la vie du gang. Pour la première fois, je n'aurai pas à sortir la caisse à Lego chez Raph à l'heure du café de la rentrée. Et j'aurai un peu le coin, sans doute. Et je prétexterai avoir pris une poussière dans l'œil, parce que c'est quand même un peu la honte (promis, Monsieur D., je sortirai mes soucis d'hyperémotivité sur le canapé en thérapie, en même temps que les références footballistiques. Nous souffrons de tant de névroses insoupçonnées...). Blondinet III aura pris la main de sa Blondinette et suivi en hurlant à la mort et en pleurant toutes les larmes de son corps docilement Maîtresse Simone, marquant ainsi la fin d'une époque.

On peut dire que je l'aurai assez attendue, cette fichue rentrée. Il faut dire qu'au niveau du timing procréatif, si on ne choisit jamais vraiment, on peut avoir plus ou moins de bol. Ce n'est pas du signe du zodiaque dont je parle, c'est des saisons couvertes par la gestation et surtout de la date de l'ultime délivrance. N'en déplaise aux multiples bidons en cours d'arrondissement de mon entourage, celles qui exhibent actuellement leur rondeur abdominale sont dans la pire des configurations: non seulement elles doivent supporter la canicule avec l'excédent de poids, les joyeusetés veineuses et la rétention d'eau dus à leur peu enviable condition, mais en plus elles vont s'enquiquiner des années durant à organiser des fêtes d'anniversaire dans leur délicat intérieur au lieu de pouvoir envoyer le jubilaire et ses bruyants invités à l'extérieur... et surtout, elles vont devoir attendre le presque-cinquième anniversaire de leur bambin avant de pouvoir envisager elles aussi le café chez Raph sans la caisse de Lego.

C'est qu'après des enfants partis à l'école respectivement à 4,1 ans et 3,9 ans, j'ai su d'entrée que le timing "bébé d'octobre" allait être moins facile à gérer. J'ai bien tenté de lui faire passer la rampe des bébés de septembre à grands coups de contractions, mais les deux semaines d'avance ainsi grappillées n'ont pas suffi. J'aurais mieux fait de jouer les prolongations finalement, j'aurais gagné un mois de gestion de "l'enfant prêt à aller à l'école mais n'y allant pas encore". Ah, ça pour être prêt, il est prêt, Blondinet III (rien à voir, mais en cette saison, il serait tout à fait pertinent de le rebaptiser Blondinet Platinum). Et l'enfant prêt à aller à l'école mais n'y allant pas encore, pour s'occuper, il fait des crasses. Il faut lui reconnaître un certain sens artistique et une imagination débordante. Quand il se rend compte, par exemple, que le petit cube bleu destiné aux queues du mini-billard de ses frères a le même pouvoir couvrant qu'un néocolor mais à plus grande échelle, il s'en sert pour dessiner sur le mur du corridor au lieu de se contenter d'une feuille. Il adapte le support à l'instrument quoi. Deux réactions possibles: s'émerveiller de sa capacité d'adaptation et de la réflexion profonde qui l'a conduit à produire une œuvre artistique d'un talent discutable sur le crépi, ou gueuler. Je vous laisser deviner quelle fut la mienne.
Deuxième exemple de sa maturité incontestable: le jour où il a décidé d'exercer à nouveau son don pour le dessin sur support improbable et s'en est pris à la lunette des WC, il a eu l'intelligence suprême d'opter pour des tons chauds. Non parce que du bleu ou du vert, on aurait vu tout de suite que c'était du feutre; le jaune c'est tellement plus douteux seyant pour une lunette de WC... Au moins il ne s'est occupé que du verso de la lunette, ce qui fait que l’œuvre reste invisible aux yeux de ces dames.

Heureusement, la plupart du temps, on rit bien face à une nouvelle invention du blondinet en âge préscolaire. Ainsi, ce jour où son vénéré géniteur a retrouvé une boîte de cacao bien cachée entre la tondeuse à gazon et l'échelle. Découverte quelque peu surprenante. Personne n'avait remarqué la disparition de ladite boîte. Découverte encore plus surprenante quand nous l'avons ouverte, pour y découvrir une sorte de boue chocolatée peu ragoûtante. Le blondinet en mal d'occupation avait encore frappé. D'habitude, je remarque toujours quand il disparaît quelques minutes, offrant aux lieux un silence qui ne peut rimer qu'avec bêtise en cours. En général son inventivité le pousse à la buanderie, où il aime braver l'interdit de la machine à laver et me remplir le compartiment à lessive de tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à de la poudre. Rien de bien grave en somme, le chat ayant toujours réussi à s'enfuir à temps et Blondinet Platinum n'ayant jamais poussé le bouchon jusqu'à presser le bouton. Mais le coup du cacao, j'avoue qu'il l'a fait en toute discrétion. Confronté au résultat désastreux de l'expérience du jour (je n'ai pas réussi à déterminer s'il s'agissait juste d'une expérience chimique ou d'une erreur de gourmand en culottes courtes), il a fini par avouer, tout penaud. Ce qui finalement me laisse quelques espoirs quant à l'incertitude de son avenir du côté obscur de la force. Et puis de toute façon, il ne me reste que 15 jours à gérer un rejeton non scolarisé. Après, ça sera forcément moins pire. Ou pas. Après tout "C'est à l'école tagadagada qu'on apprend les bêtises..."

vendredi 24 juillet 2015

Paléo '15

C'est devenu un rituel depuis plusieurs années: sauter dans un car TCS en fin d'après-midi pour rejoindre la Plaine de l'Asse, tester quelques improbables spécialités culinaires, avaler de la bière à outrance dans des verres en plastique échangeables qui finiront sur le bord de la baignoire parce que les Blondinets ont un faible pour tout récipient pouvant servir leur impitoyable dessein d'inondation locale  et - surtout - s'en mettre plein les feuilles.

Cette année, notre pèlerinage annuel était fixé au mercredi, date retenue après étude poussée de la programmation et obtention plutôt difficile de sésames vendus légalement (à l'occasion, il faudra que je consacre un article à ma passion limite pathologique pour les défis de billetterie et mon addiction pluriannuelle aux files d'attente virtuelles). Il faut bien avouer que musicalement parlant, nous ne sommes pas spécialement difficiles à satisfaire et nous étonnons toujours d'entendre les mélomanes avertis se plaindre de la programmation décevante du festival du presque-bout-du-lac. Sting est déjà venu il y a trois ans? C'est vrai. Même qu'on y était déjà. Valeur sûre. Pas monstre surprenant, mais toujours performant, le papy de 64 berges. Cette année encore, il a envoyé ses tubes, accompagné par des musiciens qui en jetaient et une blonde choriste à la voix cristalline (ma seule réserve face à la prestation de la donzelle concerne le choix de ses collants; mais les critiques vestimentaires d'une festivalière portant une pèlerine jaune pâle sur un pantacourt détrempé et des bottes en caoutchouc [j'y reviendrai plus bas] ne sont pas forcément d'une pertinence incontestable). Et pendant un peu plus d'une heure, qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il vente, les festivaliers deviennent, sans bouder leur plaisir, des Englishmen in New York.

L'ancien leader de Police a été précédé sur la Grande scène par Calogero. Déjà vu sur scène aussi, en d'autres lieux, d'autres temps, et avec deux albums de moins. On aime ou on n'aime pas la voix de tête et le jeu de scène, je comprends. Pour ma part je n'ai pas beaucoup d'hésitations sur les textes du Grenoblois, de la partie habituellement rappée par Passy aux paroles délicates de Si seulement je pouvais lui manquer. Ce matin, en ouvrant le journal, je n'ai pourtant lu que critiques relatives à des soupçons de plagiat et avis peu élogieux (voire carrément insultants) de journalistes qui n'avaient pas forcément les mêmes goûts. C'est vrai, il y a parfois du miel, il y a parfois des simagrées. Il me semble toutefois que celui qui a qualifié Calo d'endive molle (Tribune de Genève) devait avoir quelque motif de vindicte personnel à son égard (et il n'a pas dû assister à certaines prestations dont le seul souvenir me file une cosse effroyable). Calo n'a pas forcément mis le feu, mais il a fait le job. Des milliers de voix l'ont accompagné en apesanteur et la pluie ne l'a pas empêché de nous emmener avec lui dans son hommage à Sœur Emmanuelle. Les avis de fans me portent à croire que s'il n'a pas particulièrement convaincu les dubitatifs, il a comme toujours ravi les conquis d'avance.


Ce qui m'a le plus surprise dans la revue de presse de ce mercredi de Paléo, c'est l'absence totale de mention de celui qui nous a valu un petit coup de cœur pas forcément attendu. Personne ne peut se vanter de profiter de tous les concerts sur toutes les scènes, mais ne me dites pas qu'il n'y avait pas un seul scribouillard égaré dans le public enthousiaste qui s'est massé au pied des Arches alors qu'Angus et Julia Stone réchauffaient les cœurs sur la Grande scène? Michael David Rosenberg, qu'il s'appelle. Ca vous parle pas, hein? Nom de scène: Passenger. Rescapé solo du groupe du même nom dissout en 2009. Auteur-compositeur-interprète so british. 100% folk. Un timbre à la James Blunt, la mièvrerie et les actions à Verbier en moins. Toujours pas? ... only know you love her when you let her go... Ah, vous voyez, quand vous faites un effort (ceux à qui cette phrase ne rappelle absolument rien devraient peut-être envisager de sortir de leur autoradio la compil' des années '80 ou l'intégrale de Joe Dassin qui y siège et d'utiliser de temps en temps la fonction radio de l'appareil). Donc Passenger, c'est ce tube de 2012. Ca, on le savait. Mais pas que. Et ça, on l'a découvert. Passenger, c'est surtout le gars qui monte sur scène, seul avec sa guitare, comme il jouerait à la sortie du métro. Sans se prendre la tête. Sans prétention autre que de faire ce qu'il aime. Et en se réjouissant que quelques personnes s'arrêtent pour l'écouter. Ben on était pas que quelques-uns, ce mercredi, à ne pas avoir envie de passer notre chemin. Non seulement Passenger a envoûté le public de sa voix suave, mais il l'a aussi conquis par son humour et son plaisir d'être là. Des tubes, il n'en compte qu'un à son répertoire, le Let her go en question. Mais les perles sont nombreuses, tant dans les textes que dans les mélodies. Autour de moi, des gens de tous âges, dont certains ne captent pas un traître mot de ce qu'il raconte. Pourtant ils restent aussi. Il faut croire que l'aura du gaillard dépasse la barrière de la langue et son talent le refrain facile à mémoriser de son unique succès commercial.

La complainte du festivalier trempé

Maintenant que je vous ai fait ma petite critique musicale des prestations que j'ai vues assez longtemps pour en juger, il faut quand même que je vous dise: on s'est fait méchamment rincer. Alors bon, ma maman dira que c'est comme d'habitude, mais c'est parce que finalement, je ne lui envoie jamais de photo de mes tongs lors d'une chaude et sèche soirée, tandis qu'elle connaît par cœur le décor de mes bottes pleines de boue. En vérité, hormis le splendide concert de Bruel il y a deux ans (raconté ici), nous avons toujours bénéficié d'une météo assez clémente, les bottes étant surtout utiles pour ne pas s'embourber le jour d'après orage.

Bref, cette année notre virée s'annonçait humide. Comme nos sources de prévisions météo sont assez fiables, nous étions équipés. Les fameuses bottes, une pèlerine ou un k-way, un linge, des habits de rechange. Nous riions déjà devant les mocassins en cuir verni de notre voisin de bus - erreur de débutant. Dès la descente du car, nos rires se sont tus devant l'illustration immédiate et presque exagérée de l'expression "pleuvoir comme vache qui pisse". J'entends encore cette innocente jeune fille en tongs supplier au téléphone sa môman de venir la chercher devant la caravane du TCS dont les impitoyables bénévoles n'avaient "même pas voulu lui filer une de ces p*** de pèlerine" (c'est marrant comme au milieu de milliers de gens trempés jusqu'à l'os, une groseille de première arrive à donner l'impression qu'elle est l'unique victime d'un phénomène météo extrême, imprévisible et localisé au-dessus de sa petite personne). En toute honnêteté, c'était vraiment le déluge et même si l'optimisme restait de mise, nous n'en menions pas large au moment de franchir les portes du festival. 

La pèlerine en plastique a quatre défauts: deux trous pour les bras, le cordon du capuchon qui ne serait pas superflu et sa longueur insuffisante. Portion de peau nue entre la couture du short et le bord supérieur des bottes. Humide quand même, donc. Mais le déluge a cessé et nous avons pu profiter presque au sec du barbecue de Patagonie et autres délices, qui justifieraient à eux seuls de braver les éléments. Seul un léger crachin (ouais, bon, comparé avec ce qu'on avait pris sur le museau plus tôt hein, tout est relatif) nous a obligés à garder nos capuchons pendant les concerts.

 Les bottes de pluie s'avèrent aussi avoir des défauts. Le premier c'est que la tige est rarement ajustée aussi précisément que celle de cuissardes. Du coup quand tu es en shorts et qu'il flotte pour tuer, il y a une quantité a priori négligeable d'eau qui pénètre dans le dispositif, par ailleurs parfaitement étanche. Et vu l'étanchéité du truc, l'eau qui entre n'en ressort pas. Jamais. Ou alors uniquement par l'endroit où elle est entrée. Au fil des 8h à crapahuter sous la pluie, l'intérieur des bottes se transforme donc gentiment, mais sûrement en un aquarium pour panards. Manque plus que quelques poissons pour bouffer les peaux mortes, comme dans certains centres de bien-être. Nickel. Tu ressors tes pieds de là, t'as les orteils plus fripés que la peau du Père Fourras. Mais bon, il ne s'agit là finalement que d'un désagrément mineur. Le pire, pour ma part, s'est situé plus haut: j'ai subi une blessure inédite et pour le moins inattendue: la brûlure par frottement de la tige de botte sur jarret humide. Ca a l'air de rien, dit comme ça, et la décence m'interdit de mettre des photos. Mais en résumé, je me retrouve avec quatre zones de 3-4 cm avec la chair à vif. Ca fait un mal de chien, et en plus, niveau esthétique, ça arrive à point nommé pour compléter le tableau artistique commencé sur ma jambe gauche par un hématome multicolore (dont la taille et la forme rappellent le décor du ballon officiel de la Coupe du Monde 2006 - oui, je sais, j'ai des références limite inquiétantes, parfois) ramené de ma première tentative de domptage de nouveau VTT. Autrement dit, ça fait deux jours que je me tartine les guiches de pommade et je n'ose plus le short (ça va, c'est pas comme si on vivait le mois de juillet le plus chaud depuis des lustres et demi). J'en arriverais presque à regretter d'avoir laissé les tongs dans le car TCS au moment d'en sortir.

Conclusion: je ne suis pas encore complètement rodée pour le Paléo pluvieux. Jamais plus je ne mettrai mes bottes sans un jean. Jamais plus je ne rirai des erreurs de débutants des autres. Mais malgré mes mollets pelés et le pantalon en lin ou la jupe longue de rigueur jusqu'à nouvel ordre, je me réjouis déjà de notre prochain pèlerinage sur la Plaine de l'Asse; et puis, quelques (més)aventures contribuent à rendre une soirée mémorable ;)

mercredi 15 juillet 2015

Bref, j'ai une femme de ménage

Rien de très excitant, me direz-vous. Rien d'extraordinaire au jour d'aujourd'hui. N'empêche que pour mes principes sans fondement et d'origine inconnue et moi-même, ça a été un cap à franchir. La rouquine de Scènes de ménage parle du dernier stade de l'embourgeoisement. Je dirais plutôt qu'il me semblait y avoir quelque chose de présomptueux - ça n'engage que mes principes et moi -  à payer quelqu'un, non parce qu'il est plus qualifié que nous pour exécuter la tâche, mais parce qu'on a flemme, pas le temps ou pas franchement envie de le faire. Il m'a fallu un surcroît de travail durable pour me rendre à l'évidence: j'avais besoin d'un coup de main à la maison.

Au début de la quête de la perle rare, je me suis bercée d'illusions: en faisant appel à une femme de ménage travaillant partiellement pour une société de nettoyage, j'imaginais voir débarquer une Mme Propre musclée et infatigable, ses produits sous le bras et des trucs et astuces pour venir à bout de n'importe quelle tache d'origine inconnue, rendant à n'importe quel carreau de salle-de-bain un aspect plus rutilant que du neuf. J'ai assez vite déchanté. Femme de ménage, c'est rarement un choix de carrière dicté par des prédispositions indéniables pour l'époussetage et la panosse. Quant à la démonstration des petits secrets de la propreté, je l'attends toujours. Et cela n'a pas été la seule déception.

Au premier rendez-vous, la candidate numéro 1 a eu un empêchement. Le rendez-vous a donc été repoussé. La deuxième fois, elle est venue. Elle n'avait toutefois ni produits sous le bras, ni les muscles du grand chauve. Elle n'a pas fait de miracles sur les taches incrustées datant de 2 générations de propriétaires et son enthousiasme et son énergie ne m'ont pas laissée béate d'admiration. Tant pis, le job était quand même fait. Au troisième rendez-vous, nouvel empêchement. Son fils était malade, il fallait le garder. En tant que chef de gang, j'étais plutôt très bien placée pour comprendre et donc prête à me montrer compréhensive. Elle s'est bien gardée de proposer une date de remplacement, mes sols n'avaient donc plus qu'à compter sur ma bonne volonté (ou attendre la semaine suivante). La semaine suivante, l'excuse était une panne de voiture. Renseignements pris, sa voiture fonctionnait à nouveau l'après-midi même, et le pauvre chou malade à garder était âgé de 15 ans. Titifoutraispasunpeudemagueule? Fin des rapports de travail. A la suivante.

C'est ainsi que Gigi est entrée dans nos vies. La première différence avec sa consœur, c'est qu'elle est sympathique, Gigi. Et si elle a un empêchement, elle prévient plus tôt, vient la veille ou le lendemain. Elle a pas tant de muscles non plus, et elle avait pas le chiffon miracle dans une mallette prometteuse. Mais bon, elle est là, elle, toujours, ce qui est déjà un progrès non négligeable. Elle avait sûrement pas ménage en premier choix aux cours d'orientation professionnelle. Dès le premier jour, je me suis fait une raison sur son incapacité à détecter les coins à poussière et les zones de prédilection des araignées. Quand j'ai constaté qu'elle ne mettait pas les chaises sur la table pour panosser, je me suis dit que non, c'était vraiment pas sa vocation. Mais bon, elle écoute ce que je lui dis. Elle dévisse le truc du lavabo depuis que je lui ai montré (note pour plus tard: penser à lui préciser qu'il est possible de le revisser après nettoyage ;)). Bref, elle se donne de la peine - elle en a, et parfois elle m'en fait, comme dirait l'autre. Mais elle reste sympathique et dispo. Et je me suis aussi fait une raison sur le fait qu'elle nettoie MA maison, que contrairement à elle, j'y ai passé des milliers de jours et qu'il est donc un peu normal que je connaisse mieux les recoins douteux. Et peut-être que je suis trop gentille, mais j'ai des scrupules en me disant que je n'aimerais pas nettoyer la crasse de quelqu'un d'autre. C'est un peu comme le change d'un bébé: c'est dingue comme les grosses commissions de son propre enfant fleurent moins mauvais que les ignominies produites par les autres mioches.

Bref, j'ai une femme de ménage. On m'avait dit que ça change la vie. Je confirme. En tant que bordélique notoire qui travaille pour l'instant vainement sur une évolution positive à long terme, ça me change, le vendredi midi, d'avoir une maison toute bien rangée et qui sent bon le produit de nettoyage. Parce qu'il faut bien dire qu'elle y va pas avec le dos de la cuillère, niveau consommation de détergents en tout genre, j'ai assez vite compris pourquoi c'était à moi de fournir les produits: c'est bien simple, elle vide les bouteilles plus vite que son ombre. C'est la Lucky Luke du Cillit Bang, la Jesse James du Pronto. Elle dégaine partout un spray ou l'autre. La première fois, elle a mis tellement de détergent dans l'eau qu'elle a utilisée pour la serpillère que la salle-à-manger glissait plus que la glace du Forum après le passage de Tatzi sur sa grosse machine. Donc ça glisse; mais ça sent bon.

Ca me change aussi le samedi, quand on a des invités et que je n'ai pas besoin d'ajouter aux heures aux fourneaux le temps de rapatrier les choses au bon endroit et qu'il n'y a même pas besoin d'un coup d'aspirateur.

Ca me change enfin le jeudi, quand juste avant de coucher les blondinets, mon homme et moi passons en mode "camion Favre" pour ramasser toutes les choses que nous n'avons pas obligé à temps les enfants à ranger, pour récupérer les pirates en plastique de Blondinet III au fond de la baignoire, pour jeter sur un dossier de chaise un maillot "moyen-sale" aux couleurs du Barça ou remiser les pinces à linge utilisées pour la confection de la dernière cabane en date. En dernier recours, le vendredi matin, 10 minutes avant l'heure d'arrivée de ma femme de ménage, je mets tout ce que je n'ai pas le temps de ranger correctement à des endroits où cela n'entravera pas sa laborieuse tâche. Dans ces moments-là, je me dis que c'est pas génial d'être contraint de ranger à un moment précis, qu'en fait, je pourrais m'en passer, du luxe de la femme de ménage. Je repense aux recoins invisibles aux yeux de Gigi et je trouve soudain qu'on la paie bien trop cher pour quelque chose que je ferais mieux qu'elle. Fierté mal placée de ménagère surchargée.

Heureusement, le vendredi midi est rapidement là, et les avantages me sautent à nouveau aux yeux avant que j'aie la mauvaise idée de dire à Gigi que je n'aurai pas besoin d'elle la semaine suivante.
J'ai toujours une bouteille de Cillit Bang d'avance à la cave et je range en 30 minutes chrono tout ce que je n'ai pas rangé les 6 jours précédents. Bref, j'ai une femme de ménage.

mercredi 8 juillet 2015

Débranche!

A l'heure de quitter mon clavier pour 15 jours de farniente au bord de la grande bleue, j'étais cette année déterminée à faire une vraie coupure, un tournage de page en bonne et due forme pour oublier des mois de cogitation intensive sur des bidules techniques dont la grande majorité de la population ignore jusqu'à l'existence (que celui qui sait à quoi ressemble un lance-pot nébulogène me jette la première pierre) et des White Wednesday en rafale (le White Wednesday étant une nouvelle réalité constatée par la travailleuse indépendante multipare: le mercredi, communément admis comme "jour des enfants" où tu n'as pas l'ombre d'une minute scolaire pour décharger ton après-midi et où tu jongles entre le rôle de chauffeur de taxi à destination des goûters d'anniversaire, la fatigue de Blondinet III au 3e jour sans sieste, la préparation de la dictée du jeudi de Blondinet II et l'atelier de motivation de Blondinet I sur le thème "j'organise l'exécution de mes tâches scolaires en fonction de mon planning footballistique et ne tente pas la crise de nerfs préadolescente pour amadouer ma môman et laisser les devoirs du vendredi attendre jusqu'au jeudi 20h", le mercredi donc, où tu es censée te consacrer à ta charmante progéniture en délaissant ordinateur, iPomme et autres moyens de communication avec le monde adulte, les clients sont pris d'une frénésie d'envoi de demandes, exigences, questions et autres mandats éléphantesques, qui constitue pour la boîte électronique une véritable avalanche de messages - d'où le "white"). Pour oublier tout ça, donc, j'ai fait vœu d'abstinence technologique côte-d'azuréenne. Et je recommande la bonne résolution à tous, que vous soyez des professionnels surconnectés, des réseauteurs sociaux chroniques, des membres d'un nombre excessif de groupes Whatsapp où la communication se limite souvent aux vannes ou aux photos du repas gastro en cours, ou juste des victimes consentantes d'une addiction à Candy Crush (m'est d'avis que deux ou trois devraient se sentir visés).

L'iPomme est donc passé en mode vacances dès le franchissement du tunnel du Gd-St-Bernard. Aucune activation des données à l'étranger. Aucune recherche de WiFi gratuit. Aucune information concernant le tarif du WiFi payant. Quelques SMS de survie pour confirmer un voyage sans encombres et quelques vœux d'anniversaire, histoire de pas se brouiller avec la famille. Le reste peut attendre.
Débranche, et admets que tu n'es pas indispensable. Jean-Eudes trouvera le numéro de Jean-Gérard par un autre moyen. Hans Peter ne s'offusquera pas de recevoir pour seule réponse à sa demande de traduction de 50-pages-pour-avant-hier un message d'absence lui signifiant que personne ne lira sa missive avant 15 jours. Il trouvera un autre professionnel dévoué dont la grammaire élémentaire n'inclut pas la forme négative. Ou mieux: il ne trouvera pas et la prochaine fois, il s'arrangera pour planifier ses mandats. Débranche, et engloutis une gigantesque pile de romans suédois et une poignée de magazines people débiles pendant tout ce temps où tu ne regardes pas un écran. Fais des sudokus et des mots cachés avec un vrai stylo sur un vrai journal au lieu de mélanger les lettres virtuelles de ta partie de Scrabble à distance. Retrouve le plaisir de te casser la figure dans le sable lors d'une marche arrière audacieuse en essayant de rattraper une balle en plastique, sans avoir peur que le verre de ton iPomme soit rayé. Laisse-toi gicler au bord de la piscine par des enfants riant aux éclats sans craindre que l'eau ne court-circuite ton ordi portable. Ne refuse aucune partie de Uno ou autre jeu de 4 à 99 ans avec des enfants à qui tu as dû dire non tellement de fois durant les 50 autres semaines de l'année, parce que tu devais décrocher le téléphone ou vite répondre à un mail. Débranche tout, revenons à nous. Reviens à toi, aux tiens, pendant cette parenthèse si nécessaire dans l'année.

Je t'entends déjà, Ô Monsieur D., arguer que j'ai le beau rôle de promouvoir la déconnexion totale, moi qui vous propose de la lecture virtuelle à longueur de temps et qui n'ai - évidemment - pas attendu 24h après mon retour pour consulter Whatsapp, mails et tutti quanti. Moi qui suis à nouveau devant mon écran à tapoter avant même d'avoir tiré mon deuxième café. Les résolutions vacancières n'ont pas l'air plus efficaces que celles qu'on prend généralement à la St-Sylvestre ou au premier jour d'un régime amincissant. J'avoue, les mauvaises habitudes ont la vie dure et je ne saurai me passer de mes ressources technologiques plus de quelques semaines. Ce n'est pas non plus le but. En 2015, il serait présomptueux de prétendre qu'on peut s'en sortir aussi bien "sans tout ça". L'informatique et Internet nous mettent à disposition des outils bien trop utiles, tant au niveau professionnel que pour la communication privée. Etre atteignable partout et à toute heure n'a pas que des inconvénients et le maintien de nombreux contacts dépend aujourd'hui d'Internet. Mais nous abusons sans le moindre doute des possibilités que nous offrent les progrès technologiques. Quand on laisse son iPomme au fond d'un placard, tout d'un coup on a l'impression d'être entouré de personnes utilisant le leur avec excès et on n'envie pas le moins du monde la maman qui ne lâche même pas son téléphone lorsqu'elle parcourt la pataugeoire sur les talons de son bambin ou ces jeunes en soirée consultant sans doute le profil Facebook d'autres amis que ceux avec lesquels ils se trouvent. En étant connecté en permanence, on gaspille finalement le temps dont on dispose avec les gens qui sont en face de nous. Et aucun "j'aime" sur la photo des enfants de la voisine de la tante Berthe, aucun visionnage de photos de vacances de quelqu'un d'autre, aucun commentaire politique sur un blog engagé n'est plus enrichissant au niveau humain que de regarder son conjoint ou ses enfants dans les yeux et de leur parler, simplement, pour de vrai. Alors je sais que la tentation reviendra, souvent, de juste regarder mon téléphone au milieu d'un café avec une amie ou en attendant que Blondinet III finisse ses choux de Bruxelles. Mais forte de cette bénéfique expérience de deux semaines "sans", j'essaierai désormais de laisser plus souvent l'objet tentateur au fond de sa pochette et de ne l'en sortir que lorsqu'une connexion virtuelle ne nuit en rien à un contact réel.

mercredi 17 juin 2015

Être ou ne pas être féministe

Suite à l'ouverture de ce blog à un lectorat plus étendu que mon petit cercle amico-familial de départ, il faut que je m'habitue au fait que des avis divers et variés viennent s'ajouter aux commentaires affectueux de Monsieur D. (cela dit mon coco, pour le tricot, tu peux te brosser; du point de croix, éventuellement, et encore... on en reparlera en novembre, c'est promis) . Or, samedi dernier, une remarque m'a laissée pantoise. La surprise vint du qualificatif de féministe. Autant je peux comprendre cet ami qui m'a demandé un jour "mais t'as vraiment rien de mieux à faire?" parce qu'il m'arrive à moi-même de me poser la question, surtout quand j'ai 6 tas de lessive qui attendent à la salle de bain et un nombre d'heures de sommeil en retard que je n'ai pas assez de doigts - orteils compris - pour compter, autant il m'a fallu relire presque l'ensemble de ma production pour trouver d'où pouvait venir le choix de l'adjectif. Peut-être était-ce dû à mon affirmation que Florence Foresti était aussi - si ce n'est plus - brillante que ses homologues masculins? Réflexion faite, je ne crois pas.

Ce que je crois, c'est que c'est juste une sortie d'homme qui a lu, sur proposition/ordre/menace (biffez les mentions inutiles) de sa femme, des textes expliquant ce qui se passait dans la vie d'une autre femme, plus ou moins du même âge, avec plus ou moins le même type de vie. Qui n'a rien d'une militante. Ce blog n'est que le recueil de morceaux de vie et de sentiments racontés - dans la mesure du possible - avec un peu d'humour. Ce blog ne revendique rien, il raconte, simplement. S'il fait le récit d'un week-end entre filles, ce n'est pas pour dire Mesdames, affirmez-vous, offrez-vous des week-ends sans vos hommes et dépensez les sous qu'ils gagnent pendant que vous vous manucurez les orteils. S'il parle des prises de tête que peut avoir une maman (partiellement travailleuse - partiellement débordée - mais qui fait de son mieux à plein temps), ce n'est pas pour dire "voyez mon triste sort, ne nous laissons pas faire, aux armes et cetera". Je le précise à tout hasard, mais je ne crois pas que mes lecteurs s'y soient réellement trompés. Même ce lecteur un tantinet macho - en apparence du moins - qui avait sûrement juste envie de piquer mon orgueil.

Et puis tout compte fait, il n'avait pas si tort que ça. Déformation professionnelle oblige, je ne pouvais pas me lancer dans cet article sans chercher dans mon super-dictionnaire-de-super-traductrice-super-équipée la définition exacte du féminisme. Et si le terme de doctrine continue de me gêner, j'ai aimé la partie de la définition disant que le féminisme faisait la promotion des droits de la femme et de l'importance de leur rôle dans la société. Là je ne peux pas nier. Je n'estime pas mes droits de femme bafoués, je ne me sens pas spécialement considérée comme inférieure à la gent masculine; donc je ne revendique rien... mais le simple fait de raconter tout ce qui fait ma (notre) vie de trentenaire(s) épanouie(s) (ou pas) suffit à prouver qu'on ne passe pas notre temps à siroter des cafés entre copines entre la grasse mat' et l'heure de la sieste. Je ne clame pas haut et fort que les femmes font tourner le monde, mais je suis en revanche persuadée que chaque femme - du moins celles que j'ai la chance de connaître - fait tourner son petit monde, par une infinité de petites tâches qui, mises bout à bout, donnent un emploi du temps où le farniente n'a pas grande place. Je ne revendique aucune reconnaissance particulière, mais si en plus de faire sourire quelques lectrices par une anecdote ou l'autre qui les renvoie à leur propre expérience et les fait se dire "c'est exactement ça", mes articles pouvaient ouvrir les yeux d'un seul homme sur tout ce que fait dans l'ombre sa conjointe au quotidien et qui lui rend la vie plus facile ou plus belle, sur toutes les difficultés qu'elle gère avant même qu'il n'en ait connaissance et sur les sentiments divers et doutes qui peuvent l'habiter à propos de sa capacité à être à la hauteur de son immense tâche, alors je pourrai en conclure que non, je n'avais vraiment rien de mieux à faire que de tenir ce blog.

mercredi 10 juin 2015

Maman foot est en vacances!

En jetant un œil à mon agenda multicolonnes Betty Bossi, je constate qu'il ne reste qu'une dizaine de jours avant la partie hachurée avec un enthousiasme révélateur et la mention "vacances" en caractères majuscules-gras-agrémentés de paillettes. Mais ces dix derniers jours ne comptent pas vraiment, ils sont allégés par l'absence du mot qui apparaît le plus souvent sur l'année. Quatre petites lettres, bon nombre d'aller-retour, pas mal de temps de jeu et un nombre infini de brins d'herbe. F-O-O-T. C'est la rançon de la gloire, le prix à payer quand on est une pondeuse d'élite (cf. Appelez-la Madame).

J'ai lu l'autre jour une ânerie sur Facebook affirmant que les âmes erraient et sautaient dans le corps des bébés en fonction du caractère de leurs parents. Hem. J'ai lu en vitesse, j'avoue. Et je ne me moque pas du tout des esprits moins cartésiens que moi qui y croient. Quelque part, ça expliquerait même pourquoi je me retrouve à arpenter les bords de terrain de tout le Bas-Valais pendant que d'autres se coltinent des spectacles de danse. Heureusement que les âmes des Blondinets (tous numéros confondus) n'ont pas atterri chez une maman trop réfractaire au ballon rond. Mais que l'on mette cela sur le compte des âmes vagabondes, de la génétique ou simplement des goûts et habitudes que nous transmettons à nos enfants, le résultat est le même: le samedi, j'ai foot. Ainsi que le lundi, le mardi, le jeudi, avec parfois un petit match à rattraper le mercredi, des fois qu'on serait désœuvré.

Le statut de maman foot attire généralement la sympathie et la compassion des autres mamans. Déjà que quand les gens apprennent que tu as trois garçons, certains hésitent entre les félicitations pour ta contribution aux effectifs de l'Armée suisse et les condoléances, quand tu ajoutes que les deux grands font du foot, plus personne n'a de doute quant au sacrifice consenti, week-end après week-end, année après année. Bien sûr, ça prend du temps. Bien sûr c'est parfois contraignant. Bien sûr, je râle quand je dois décrotter les crampons au burin pour venir à bout de la terre séchée qui garnit les chaussures oubliées au fond du sac. Bien sûr ça remplit le bac de linge sale de tissu synthétique qui ne sent pas la rose. Pourtant, rassurez-vous, il y a des bons côtés. Déjà, par rapport aux mamans de hockeyeurs, y a pas photo, que ce soit au niveau de l'équipement, des trajets pour les tournois à Pétaouchnok-Sud ou de la température ambiante pendant les heures passées à encourager son gamin. J'ai jamais vu une maman hockey prendre un coup de soleil au troisième tiers, tandis que le soleil d'avril nous réchauffe déjà les naseaux et que le teint hâlé patiemment acquis samedi après samedi fait pâlir d'envie toutes les mamans de basketteurs. Le printemps de la maman foot, c'est terrain, certes, mais c'est aussi lunettes de soleil, crème 50+ et verre de blanc à la mi-temps (et re-verre de blanc à la fin du match et re-verre de blanc parce que c'est l'heure de l'apéro de midi, et re-....) Conclusion: on est pas si mal au bord d'un rectangle de pelouse.

Il faut dire aussi que, quel que soit le sport choisi par nos chérubins, nous n'avons guère d'autre choix que d'être leurs premiers supporters. Or, à titre personnel, je trouve plus facile d'encourager des footballeurs en herbe que des boxeurs. Ca me semble moins dangereux pour leur profil. Et ça n'aurait pas été plus passionnant s'ils avaient opté pour le yoseikan budo ou un autre art martial auquel je ne connais que pouic. Là au moins, j'arrive à suivre le score. En plus, être footballeur dans l'âme, ça simplifie la vie: un ballon sous la main et tu peux jouer partout. Pour les gamins qui font de l'équitation, c'est moins facile de mettre le canasson dans le coffre quand tu vas à la piscine municipale.

Bref, je suis une maman foot et je le vis bien. La saison s'est achevée hier soir avec le dernier match, la dernière victoire, le dernier goal de Blondinet II. Maman foot est en vacances. Plus besoin de s'engouffrer dans la ruelle menant au stade au milieu des autres papas et mamans à l'heure où le ballet des voitures allant et venant semble sorti tout droit d'un film de Tim Burton. Plus besoin de jongler entre les heures de rendez-vous et de début des matchs, de remplir avec une rigueur quasi militaire les sacs à bandoulière tout en faisant réciter une dictée ou en grognant pour qu'un Blondinet à la bourre avale son goûter. Mais plus non plus de frissons en voyant son enfant s'avancer devant le but. Plus de mains qui applaudissent ni de bras qui se lèvent pour célébrer un goal ou une victoire. Plus de ces petits instants de fierté devant une jolie action, ni d'émotion de voir son fils vibrer, se donner à fond et exploser de joie. Parce que c'est aussi ça, la vie de maman foot. Alors je vais évidemment profiter de l'absence de contraintes horaires ces prochaines semaines, mais quand même, vivement la reprise ;) Bel été à toutes les mamans foot!