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vendredi 24 juillet 2015

Paléo '15

C'est devenu un rituel depuis plusieurs années: sauter dans un car TCS en fin d'après-midi pour rejoindre la Plaine de l'Asse, tester quelques improbables spécialités culinaires, avaler de la bière à outrance dans des verres en plastique échangeables qui finiront sur le bord de la baignoire parce que les Blondinets ont un faible pour tout récipient pouvant servir leur impitoyable dessein d'inondation locale  et - surtout - s'en mettre plein les feuilles.

Cette année, notre pèlerinage annuel était fixé au mercredi, date retenue après étude poussée de la programmation et obtention plutôt difficile de sésames vendus légalement (à l'occasion, il faudra que je consacre un article à ma passion limite pathologique pour les défis de billetterie et mon addiction pluriannuelle aux files d'attente virtuelles). Il faut bien avouer que musicalement parlant, nous ne sommes pas spécialement difficiles à satisfaire et nous étonnons toujours d'entendre les mélomanes avertis se plaindre de la programmation décevante du festival du presque-bout-du-lac. Sting est déjà venu il y a trois ans? C'est vrai. Même qu'on y était déjà. Valeur sûre. Pas monstre surprenant, mais toujours performant, le papy de 64 berges. Cette année encore, il a envoyé ses tubes, accompagné par des musiciens qui en jetaient et une blonde choriste à la voix cristalline (ma seule réserve face à la prestation de la donzelle concerne le choix de ses collants; mais les critiques vestimentaires d'une festivalière portant une pèlerine jaune pâle sur un pantacourt détrempé et des bottes en caoutchouc [j'y reviendrai plus bas] ne sont pas forcément d'une pertinence incontestable). Et pendant un peu plus d'une heure, qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il vente, les festivaliers deviennent, sans bouder leur plaisir, des Englishmen in New York.

L'ancien leader de Police a été précédé sur la Grande scène par Calogero. Déjà vu sur scène aussi, en d'autres lieux, d'autres temps, et avec deux albums de moins. On aime ou on n'aime pas la voix de tête et le jeu de scène, je comprends. Pour ma part je n'ai pas beaucoup d'hésitations sur les textes du Grenoblois, de la partie habituellement rappée par Passy aux paroles délicates de Si seulement je pouvais lui manquer. Ce matin, en ouvrant le journal, je n'ai pourtant lu que critiques relatives à des soupçons de plagiat et avis peu élogieux (voire carrément insultants) de journalistes qui n'avaient pas forcément les mêmes goûts. C'est vrai, il y a parfois du miel, il y a parfois des simagrées. Il me semble toutefois que celui qui a qualifié Calo d'endive molle (Tribune de Genève) devait avoir quelque motif de vindicte personnel à son égard (et il n'a pas dû assister à certaines prestations dont le seul souvenir me file une cosse effroyable). Calo n'a pas forcément mis le feu, mais il a fait le job. Des milliers de voix l'ont accompagné en apesanteur et la pluie ne l'a pas empêché de nous emmener avec lui dans son hommage à Sœur Emmanuelle. Les avis de fans me portent à croire que s'il n'a pas particulièrement convaincu les dubitatifs, il a comme toujours ravi les conquis d'avance.


Ce qui m'a le plus surprise dans la revue de presse de ce mercredi de Paléo, c'est l'absence totale de mention de celui qui nous a valu un petit coup de cœur pas forcément attendu. Personne ne peut se vanter de profiter de tous les concerts sur toutes les scènes, mais ne me dites pas qu'il n'y avait pas un seul scribouillard égaré dans le public enthousiaste qui s'est massé au pied des Arches alors qu'Angus et Julia Stone réchauffaient les cœurs sur la Grande scène? Michael David Rosenberg, qu'il s'appelle. Ca vous parle pas, hein? Nom de scène: Passenger. Rescapé solo du groupe du même nom dissout en 2009. Auteur-compositeur-interprète so british. 100% folk. Un timbre à la James Blunt, la mièvrerie et les actions à Verbier en moins. Toujours pas? ... only know you love her when you let her go... Ah, vous voyez, quand vous faites un effort (ceux à qui cette phrase ne rappelle absolument rien devraient peut-être envisager de sortir de leur autoradio la compil' des années '80 ou l'intégrale de Joe Dassin qui y siège et d'utiliser de temps en temps la fonction radio de l'appareil). Donc Passenger, c'est ce tube de 2012. Ca, on le savait. Mais pas que. Et ça, on l'a découvert. Passenger, c'est surtout le gars qui monte sur scène, seul avec sa guitare, comme il jouerait à la sortie du métro. Sans se prendre la tête. Sans prétention autre que de faire ce qu'il aime. Et en se réjouissant que quelques personnes s'arrêtent pour l'écouter. Ben on était pas que quelques-uns, ce mercredi, à ne pas avoir envie de passer notre chemin. Non seulement Passenger a envoûté le public de sa voix suave, mais il l'a aussi conquis par son humour et son plaisir d'être là. Des tubes, il n'en compte qu'un à son répertoire, le Let her go en question. Mais les perles sont nombreuses, tant dans les textes que dans les mélodies. Autour de moi, des gens de tous âges, dont certains ne captent pas un traître mot de ce qu'il raconte. Pourtant ils restent aussi. Il faut croire que l'aura du gaillard dépasse la barrière de la langue et son talent le refrain facile à mémoriser de son unique succès commercial.

La complainte du festivalier trempé

Maintenant que je vous ai fait ma petite critique musicale des prestations que j'ai vues assez longtemps pour en juger, il faut quand même que je vous dise: on s'est fait méchamment rincer. Alors bon, ma maman dira que c'est comme d'habitude, mais c'est parce que finalement, je ne lui envoie jamais de photo de mes tongs lors d'une chaude et sèche soirée, tandis qu'elle connaît par cœur le décor de mes bottes pleines de boue. En vérité, hormis le splendide concert de Bruel il y a deux ans (raconté ici), nous avons toujours bénéficié d'une météo assez clémente, les bottes étant surtout utiles pour ne pas s'embourber le jour d'après orage.

Bref, cette année notre virée s'annonçait humide. Comme nos sources de prévisions météo sont assez fiables, nous étions équipés. Les fameuses bottes, une pèlerine ou un k-way, un linge, des habits de rechange. Nous riions déjà devant les mocassins en cuir verni de notre voisin de bus - erreur de débutant. Dès la descente du car, nos rires se sont tus devant l'illustration immédiate et presque exagérée de l'expression "pleuvoir comme vache qui pisse". J'entends encore cette innocente jeune fille en tongs supplier au téléphone sa môman de venir la chercher devant la caravane du TCS dont les impitoyables bénévoles n'avaient "même pas voulu lui filer une de ces p*** de pèlerine" (c'est marrant comme au milieu de milliers de gens trempés jusqu'à l'os, une groseille de première arrive à donner l'impression qu'elle est l'unique victime d'un phénomène météo extrême, imprévisible et localisé au-dessus de sa petite personne). En toute honnêteté, c'était vraiment le déluge et même si l'optimisme restait de mise, nous n'en menions pas large au moment de franchir les portes du festival. 

La pèlerine en plastique a quatre défauts: deux trous pour les bras, le cordon du capuchon qui ne serait pas superflu et sa longueur insuffisante. Portion de peau nue entre la couture du short et le bord supérieur des bottes. Humide quand même, donc. Mais le déluge a cessé et nous avons pu profiter presque au sec du barbecue de Patagonie et autres délices, qui justifieraient à eux seuls de braver les éléments. Seul un léger crachin (ouais, bon, comparé avec ce qu'on avait pris sur le museau plus tôt hein, tout est relatif) nous a obligés à garder nos capuchons pendant les concerts.

 Les bottes de pluie s'avèrent aussi avoir des défauts. Le premier c'est que la tige est rarement ajustée aussi précisément que celle de cuissardes. Du coup quand tu es en shorts et qu'il flotte pour tuer, il y a une quantité a priori négligeable d'eau qui pénètre dans le dispositif, par ailleurs parfaitement étanche. Et vu l'étanchéité du truc, l'eau qui entre n'en ressort pas. Jamais. Ou alors uniquement par l'endroit où elle est entrée. Au fil des 8h à crapahuter sous la pluie, l'intérieur des bottes se transforme donc gentiment, mais sûrement en un aquarium pour panards. Manque plus que quelques poissons pour bouffer les peaux mortes, comme dans certains centres de bien-être. Nickel. Tu ressors tes pieds de là, t'as les orteils plus fripés que la peau du Père Fourras. Mais bon, il ne s'agit là finalement que d'un désagrément mineur. Le pire, pour ma part, s'est situé plus haut: j'ai subi une blessure inédite et pour le moins inattendue: la brûlure par frottement de la tige de botte sur jarret humide. Ca a l'air de rien, dit comme ça, et la décence m'interdit de mettre des photos. Mais en résumé, je me retrouve avec quatre zones de 3-4 cm avec la chair à vif. Ca fait un mal de chien, et en plus, niveau esthétique, ça arrive à point nommé pour compléter le tableau artistique commencé sur ma jambe gauche par un hématome multicolore (dont la taille et la forme rappellent le décor du ballon officiel de la Coupe du Monde 2006 - oui, je sais, j'ai des références limite inquiétantes, parfois) ramené de ma première tentative de domptage de nouveau VTT. Autrement dit, ça fait deux jours que je me tartine les guiches de pommade et je n'ose plus le short (ça va, c'est pas comme si on vivait le mois de juillet le plus chaud depuis des lustres et demi). J'en arriverais presque à regretter d'avoir laissé les tongs dans le car TCS au moment d'en sortir.

Conclusion: je ne suis pas encore complètement rodée pour le Paléo pluvieux. Jamais plus je ne mettrai mes bottes sans un jean. Jamais plus je ne rirai des erreurs de débutants des autres. Mais malgré mes mollets pelés et le pantalon en lin ou la jupe longue de rigueur jusqu'à nouvel ordre, je me réjouis déjà de notre prochain pèlerinage sur la Plaine de l'Asse; et puis, quelques (més)aventures contribuent à rendre une soirée mémorable ;)

mercredi 15 juillet 2015

Bref, j'ai une femme de ménage

Rien de très excitant, me direz-vous. Rien d'extraordinaire au jour d'aujourd'hui. N'empêche que pour mes principes sans fondement et d'origine inconnue et moi-même, ça a été un cap à franchir. La rouquine de Scènes de ménage parle du dernier stade de l'embourgeoisement. Je dirais plutôt qu'il me semblait y avoir quelque chose de présomptueux - ça n'engage que mes principes et moi -  à payer quelqu'un, non parce qu'il est plus qualifié que nous pour exécuter la tâche, mais parce qu'on a flemme, pas le temps ou pas franchement envie de le faire. Il m'a fallu un surcroît de travail durable pour me rendre à l'évidence: j'avais besoin d'un coup de main à la maison.

Au début de la quête de la perle rare, je me suis bercée d'illusions: en faisant appel à une femme de ménage travaillant partiellement pour une société de nettoyage, j'imaginais voir débarquer une Mme Propre musclée et infatigable, ses produits sous le bras et des trucs et astuces pour venir à bout de n'importe quelle tache d'origine inconnue, rendant à n'importe quel carreau de salle-de-bain un aspect plus rutilant que du neuf. J'ai assez vite déchanté. Femme de ménage, c'est rarement un choix de carrière dicté par des prédispositions indéniables pour l'époussetage et la panosse. Quant à la démonstration des petits secrets de la propreté, je l'attends toujours. Et cela n'a pas été la seule déception.

Au premier rendez-vous, la candidate numéro 1 a eu un empêchement. Le rendez-vous a donc été repoussé. La deuxième fois, elle est venue. Elle n'avait toutefois ni produits sous le bras, ni les muscles du grand chauve. Elle n'a pas fait de miracles sur les taches incrustées datant de 2 générations de propriétaires et son enthousiasme et son énergie ne m'ont pas laissée béate d'admiration. Tant pis, le job était quand même fait. Au troisième rendez-vous, nouvel empêchement. Son fils était malade, il fallait le garder. En tant que chef de gang, j'étais plutôt très bien placée pour comprendre et donc prête à me montrer compréhensive. Elle s'est bien gardée de proposer une date de remplacement, mes sols n'avaient donc plus qu'à compter sur ma bonne volonté (ou attendre la semaine suivante). La semaine suivante, l'excuse était une panne de voiture. Renseignements pris, sa voiture fonctionnait à nouveau l'après-midi même, et le pauvre chou malade à garder était âgé de 15 ans. Titifoutraispasunpeudemagueule? Fin des rapports de travail. A la suivante.

C'est ainsi que Gigi est entrée dans nos vies. La première différence avec sa consœur, c'est qu'elle est sympathique, Gigi. Et si elle a un empêchement, elle prévient plus tôt, vient la veille ou le lendemain. Elle a pas tant de muscles non plus, et elle avait pas le chiffon miracle dans une mallette prometteuse. Mais bon, elle est là, elle, toujours, ce qui est déjà un progrès non négligeable. Elle avait sûrement pas ménage en premier choix aux cours d'orientation professionnelle. Dès le premier jour, je me suis fait une raison sur son incapacité à détecter les coins à poussière et les zones de prédilection des araignées. Quand j'ai constaté qu'elle ne mettait pas les chaises sur la table pour panosser, je me suis dit que non, c'était vraiment pas sa vocation. Mais bon, elle écoute ce que je lui dis. Elle dévisse le truc du lavabo depuis que je lui ai montré (note pour plus tard: penser à lui préciser qu'il est possible de le revisser après nettoyage ;)). Bref, elle se donne de la peine - elle en a, et parfois elle m'en fait, comme dirait l'autre. Mais elle reste sympathique et dispo. Et je me suis aussi fait une raison sur le fait qu'elle nettoie MA maison, que contrairement à elle, j'y ai passé des milliers de jours et qu'il est donc un peu normal que je connaisse mieux les recoins douteux. Et peut-être que je suis trop gentille, mais j'ai des scrupules en me disant que je n'aimerais pas nettoyer la crasse de quelqu'un d'autre. C'est un peu comme le change d'un bébé: c'est dingue comme les grosses commissions de son propre enfant fleurent moins mauvais que les ignominies produites par les autres mioches.

Bref, j'ai une femme de ménage. On m'avait dit que ça change la vie. Je confirme. En tant que bordélique notoire qui travaille pour l'instant vainement sur une évolution positive à long terme, ça me change, le vendredi midi, d'avoir une maison toute bien rangée et qui sent bon le produit de nettoyage. Parce qu'il faut bien dire qu'elle y va pas avec le dos de la cuillère, niveau consommation de détergents en tout genre, j'ai assez vite compris pourquoi c'était à moi de fournir les produits: c'est bien simple, elle vide les bouteilles plus vite que son ombre. C'est la Lucky Luke du Cillit Bang, la Jesse James du Pronto. Elle dégaine partout un spray ou l'autre. La première fois, elle a mis tellement de détergent dans l'eau qu'elle a utilisée pour la serpillère que la salle-à-manger glissait plus que la glace du Forum après le passage de Tatzi sur sa grosse machine. Donc ça glisse; mais ça sent bon.

Ca me change aussi le samedi, quand on a des invités et que je n'ai pas besoin d'ajouter aux heures aux fourneaux le temps de rapatrier les choses au bon endroit et qu'il n'y a même pas besoin d'un coup d'aspirateur.

Ca me change enfin le jeudi, quand juste avant de coucher les blondinets, mon homme et moi passons en mode "camion Favre" pour ramasser toutes les choses que nous n'avons pas obligé à temps les enfants à ranger, pour récupérer les pirates en plastique de Blondinet III au fond de la baignoire, pour jeter sur un dossier de chaise un maillot "moyen-sale" aux couleurs du Barça ou remiser les pinces à linge utilisées pour la confection de la dernière cabane en date. En dernier recours, le vendredi matin, 10 minutes avant l'heure d'arrivée de ma femme de ménage, je mets tout ce que je n'ai pas le temps de ranger correctement à des endroits où cela n'entravera pas sa laborieuse tâche. Dans ces moments-là, je me dis que c'est pas génial d'être contraint de ranger à un moment précis, qu'en fait, je pourrais m'en passer, du luxe de la femme de ménage. Je repense aux recoins invisibles aux yeux de Gigi et je trouve soudain qu'on la paie bien trop cher pour quelque chose que je ferais mieux qu'elle. Fierté mal placée de ménagère surchargée.

Heureusement, le vendredi midi est rapidement là, et les avantages me sautent à nouveau aux yeux avant que j'aie la mauvaise idée de dire à Gigi que je n'aurai pas besoin d'elle la semaine suivante.
J'ai toujours une bouteille de Cillit Bang d'avance à la cave et je range en 30 minutes chrono tout ce que je n'ai pas rangé les 6 jours précédents. Bref, j'ai une femme de ménage.

mercredi 8 juillet 2015

Débranche!

A l'heure de quitter mon clavier pour 15 jours de farniente au bord de la grande bleue, j'étais cette année déterminée à faire une vraie coupure, un tournage de page en bonne et due forme pour oublier des mois de cogitation intensive sur des bidules techniques dont la grande majorité de la population ignore jusqu'à l'existence (que celui qui sait à quoi ressemble un lance-pot nébulogène me jette la première pierre) et des White Wednesday en rafale (le White Wednesday étant une nouvelle réalité constatée par la travailleuse indépendante multipare: le mercredi, communément admis comme "jour des enfants" où tu n'as pas l'ombre d'une minute scolaire pour décharger ton après-midi et où tu jongles entre le rôle de chauffeur de taxi à destination des goûters d'anniversaire, la fatigue de Blondinet III au 3e jour sans sieste, la préparation de la dictée du jeudi de Blondinet II et l'atelier de motivation de Blondinet I sur le thème "j'organise l'exécution de mes tâches scolaires en fonction de mon planning footballistique et ne tente pas la crise de nerfs préadolescente pour amadouer ma môman et laisser les devoirs du vendredi attendre jusqu'au jeudi 20h", le mercredi donc, où tu es censée te consacrer à ta charmante progéniture en délaissant ordinateur, iPomme et autres moyens de communication avec le monde adulte, les clients sont pris d'une frénésie d'envoi de demandes, exigences, questions et autres mandats éléphantesques, qui constitue pour la boîte électronique une véritable avalanche de messages - d'où le "white"). Pour oublier tout ça, donc, j'ai fait vœu d'abstinence technologique côte-d'azuréenne. Et je recommande la bonne résolution à tous, que vous soyez des professionnels surconnectés, des réseauteurs sociaux chroniques, des membres d'un nombre excessif de groupes Whatsapp où la communication se limite souvent aux vannes ou aux photos du repas gastro en cours, ou juste des victimes consentantes d'une addiction à Candy Crush (m'est d'avis que deux ou trois devraient se sentir visés).

L'iPomme est donc passé en mode vacances dès le franchissement du tunnel du Gd-St-Bernard. Aucune activation des données à l'étranger. Aucune recherche de WiFi gratuit. Aucune information concernant le tarif du WiFi payant. Quelques SMS de survie pour confirmer un voyage sans encombres et quelques vœux d'anniversaire, histoire de pas se brouiller avec la famille. Le reste peut attendre.
Débranche, et admets que tu n'es pas indispensable. Jean-Eudes trouvera le numéro de Jean-Gérard par un autre moyen. Hans Peter ne s'offusquera pas de recevoir pour seule réponse à sa demande de traduction de 50-pages-pour-avant-hier un message d'absence lui signifiant que personne ne lira sa missive avant 15 jours. Il trouvera un autre professionnel dévoué dont la grammaire élémentaire n'inclut pas la forme négative. Ou mieux: il ne trouvera pas et la prochaine fois, il s'arrangera pour planifier ses mandats. Débranche, et engloutis une gigantesque pile de romans suédois et une poignée de magazines people débiles pendant tout ce temps où tu ne regardes pas un écran. Fais des sudokus et des mots cachés avec un vrai stylo sur un vrai journal au lieu de mélanger les lettres virtuelles de ta partie de Scrabble à distance. Retrouve le plaisir de te casser la figure dans le sable lors d'une marche arrière audacieuse en essayant de rattraper une balle en plastique, sans avoir peur que le verre de ton iPomme soit rayé. Laisse-toi gicler au bord de la piscine par des enfants riant aux éclats sans craindre que l'eau ne court-circuite ton ordi portable. Ne refuse aucune partie de Uno ou autre jeu de 4 à 99 ans avec des enfants à qui tu as dû dire non tellement de fois durant les 50 autres semaines de l'année, parce que tu devais décrocher le téléphone ou vite répondre à un mail. Débranche tout, revenons à nous. Reviens à toi, aux tiens, pendant cette parenthèse si nécessaire dans l'année.

Je t'entends déjà, Ô Monsieur D., arguer que j'ai le beau rôle de promouvoir la déconnexion totale, moi qui vous propose de la lecture virtuelle à longueur de temps et qui n'ai - évidemment - pas attendu 24h après mon retour pour consulter Whatsapp, mails et tutti quanti. Moi qui suis à nouveau devant mon écran à tapoter avant même d'avoir tiré mon deuxième café. Les résolutions vacancières n'ont pas l'air plus efficaces que celles qu'on prend généralement à la St-Sylvestre ou au premier jour d'un régime amincissant. J'avoue, les mauvaises habitudes ont la vie dure et je ne saurai me passer de mes ressources technologiques plus de quelques semaines. Ce n'est pas non plus le but. En 2015, il serait présomptueux de prétendre qu'on peut s'en sortir aussi bien "sans tout ça". L'informatique et Internet nous mettent à disposition des outils bien trop utiles, tant au niveau professionnel que pour la communication privée. Etre atteignable partout et à toute heure n'a pas que des inconvénients et le maintien de nombreux contacts dépend aujourd'hui d'Internet. Mais nous abusons sans le moindre doute des possibilités que nous offrent les progrès technologiques. Quand on laisse son iPomme au fond d'un placard, tout d'un coup on a l'impression d'être entouré de personnes utilisant le leur avec excès et on n'envie pas le moins du monde la maman qui ne lâche même pas son téléphone lorsqu'elle parcourt la pataugeoire sur les talons de son bambin ou ces jeunes en soirée consultant sans doute le profil Facebook d'autres amis que ceux avec lesquels ils se trouvent. En étant connecté en permanence, on gaspille finalement le temps dont on dispose avec les gens qui sont en face de nous. Et aucun "j'aime" sur la photo des enfants de la voisine de la tante Berthe, aucun visionnage de photos de vacances de quelqu'un d'autre, aucun commentaire politique sur un blog engagé n'est plus enrichissant au niveau humain que de regarder son conjoint ou ses enfants dans les yeux et de leur parler, simplement, pour de vrai. Alors je sais que la tentation reviendra, souvent, de juste regarder mon téléphone au milieu d'un café avec une amie ou en attendant que Blondinet III finisse ses choux de Bruxelles. Mais forte de cette bénéfique expérience de deux semaines "sans", j'essaierai désormais de laisser plus souvent l'objet tentateur au fond de sa pochette et de ne l'en sortir que lorsqu'une connexion virtuelle ne nuit en rien à un contact réel.