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mardi 24 septembre 2019

Impératif imparfait

Pour arrêter de contrarier mon plus fidèle lecteur, je vais rédiger un article franco-français et sans mots compliqués. Enfin si, au moins un. Mais j'y reviendrais plus tard.

Quand on a un enfant, et a fortiori quand on en a plusieurs, on renonce par nature à tout égocentrisme (pour Monsieur D. : ego = soi, centrisme = le truc que tu mets au milieu). Le centre est subtilement déplacé sur la progéniture.
Ton enfant est malade? Tu te lèves la nuit même si tu es crevé, que tu as un examen le lendemain ou que tu as fait la noce la veille.
Ton enfant est matinal? Tu renonces à la grasse matinée.
Ton enfant a rendez-vous chez le médecin/dentiste/masseur? Tu l'emmènes, tu attends dans la salle à côté, tu le ramènes à la maison. Peu importe que tu sois censé travailler, étudier ou autre.
Ton enfant s'écorche le genou? On t'appelle. Ton enfant vomit à l'école? On t'appelle. Ton enfant a mal au ventre à l'école? On t'appelle. Et quand on t'appelle, la réaction qu'on attend de toi, c'est que tu laisses tout tomber, ton boulot, ton cours de salsa, tes lessives en retard, ton dîner sur le feu ou toute autre chose qui t'occupait, toi, dans ta vie, et que tu récupères ton rejeton mal fichu.
Parce que quelle que soit la chose que tu étais en train de faire, elle peut attendre. L'ego passe après le boueb, du moins en cas d'urgence. Tu laisses tout tomber et tu mets ton enfant au centre. C'est un impératif.
Ce qui est un peu compliqué, quand on a plein d'enfants, c'est que les enfants se retrouvent au centre l'un après l'autre et que quand les urgences se succèdent, y a un moment où t'es tellement plus au centre que t'as l'impression que tu t'es même fait virer du cercle, qui pourtant, au départ, était bien le tien. Mais ce n'est pas le sujet.

Tout dernièrement, il a fallu mettre l'ado au centre, un peu à la va-comme-je-te-pousse. Grosso modo, ça faisait 3 mois qu'il était blessé. Alors on l'a emmené chez le médecin, qui a trouvé une déchirure musculaire et l'a envoyé soigner ça chez le physio. Qui a fait faire des exercices et s'est un peu étonné qu'il y ait toujours des douleurs, mais pas tant plus que ça. Donc il a repris le foot, en version un peu plus modérée qu'avant. Premier match, après 45 min, il sort, trop mal. Zut. Quatre jours après, il boîte toujours bas, alors on passe en mode "soins médicaux non urgents". On retourne chez le toubib, qui ordonne une radio. Il va faire sa radio... Le lendemain, on passe en mode "soins médicaux un poil plus urgents" quand la gentille secrétaire appelle pour dire qu'il faut reconsulter au plus vite et - je cite - "qu'il ne faudrait pas qu'il marche trop, qu'il ne mette pas de poids sur sa jambe, qu'il ne coure surtout pas" (pile quand il vient de partir à l'école avec son sac de gym pour 2h au stade, parce que bon, t'essaies, pis si jamais t'as mal tu dis au prof - et c'est là que l'an 2019 et les téléphones portables te rendent un fier service, parce que tu te retrouves à téléphoner un peu en cata pour dire qu'il ne DOIT ABSOLUMENT PAS COURIR). Tu prends quand même rendez-vous en dehors des heures scolaires, parce qu'il ne semble pas que ton enfant risque d'y laisser sa peau s'il attend le lendemain.

Et puis le lendemain, on tombe dans la 4e dimension. Le toubib a pas l'air totalement paniqué, mais il explique assez vite que les nouvelles ne sont pas bonnes. Il sort un mot trop long et avec trop de y pour le placer au scrabble (épiphysiolyse, juste au cas où vous me croiriez pas) et assez vite, il dit que dans le meilleur des cas, ce serait 2 mois de béquilles sans poser la jambe. Cherchez l'erreur. Dans le pire des cas, c'est opération. Il commence par dire qu'il faut qu'on prenne rendez-vous avec la Callie Torres locale (les fans de Grey's anatomy comprendront) et que s'ils ne proposent pas un rendez-vous assez vite, il prendra rendez-vous lui-même, avec le poids de son titre académique. Et puis tout à coup il se ravise, saute sur son téléphone et appelle le Seattle Grace (ceux qui n'ont pas compris Callie Torres ne comprendront pas non plus :p). Il fait des grimaces pour me demander si on peut aller la voir maintenant, Callie. Tip top, j'avais justement mis l'ado au centre et lâchement abandonné ses frangins dans un coin. Il me fait un billet pour la ponte de la traumatologie, nous fait graver les radios sur CD et nous expédie. Moi, en mode no-stress, je passe à l'étage "radiologie" parce que j'avais un papier à ramener, même si j'ai bien compris que je devais encore passer à la réception chercher mon CD, enfin bref, j'ai perdu 3-4 min à tout casser... mais voilà pas que le toubib, il est à la réception en train d'essayer de m'appeler, tout stressé qu'on ne soit pas encore à l'hôpital. A ce moment-là je suis un peu inquiète du diagnostic mais stressée, pas encore, plutôt envie de lui dire calme-toi Georges. Bref, on part à l'hosto. Etiquettes, attente, le bins habituel. Arrive Callie. Moins latino que l'originale, et plus survoltée. Gentille, mais un poil alarmiste. Les deux mois en béquilles ne sont plus une option, la seule option qu'elle voit, elle, c'est de planter une vis de 7 cm dans le fémur de mon bébé. J'encaisse. Je le regarde. Il est en mode punching-ball. OK, ben on va faire ça alors, y a pas tant l'air d'y avoir de plan B. En vrai, je sais pas trop à quoi je m'attendais, sûrement à un truc qui s'organise sur des semaines. Mais voilà ma Callie qui nous explique que comme il a 14 ans, il doit aller en pédiatrie, dont faut monter à la capitale, mais qu'elle, normalement elle opère ici, mais elle va voir si elle peut s'arranger; et puis elle se met en mode centrale téléphonique (genre "911 quelle est votre urgence", pas "j'aimerais le 22 à Asnières"), la voilà qui appelle la grande boîte orange, le bloc, son copain Aldebert qui connaît celui qui gère les plannings des blocs; une fois qu'elle a une salle, elle commute sur l'anesthésie, parce qu'en plus de la table, il faudrait quelqu'un pour le shooter, ce petit; et là sans trop comprendre je l'entends dire "demain après le vasculaire". Vasculaire je sais pas de quoi elle parle, mais par contre demain, ça je capte. DEMAIN (il est 17h30). Nouvelle commutation sur la pédiatrie, puis le service je-sais-pas-quoi qui gère les lits. Et quand le tourbillon des téléphones s'arrête, elle nous regarde et nous lance "alors c'est tout bon, tu as une place en pédiatrie, faut être à Sion à 7h à jeun, je t'opère vers 10h30. L'ado n'a pas eu le temps de reprendre son souffle, moi non plus. "Ca pose un problème?" Eeeeeeeuh en fait non. J'avais une vie, mais ça, c'était avant.

Voilà. Depuis maintenant presque 4 semaines, l'ado en a marre d'expliquer ce qui lui est arrivé, alors comme ça, si vous le croisez, vous ne lui demanderez pas. Tout s'est bien passé, il se retape. Il a finalement pu sortir de l'hôpital le jour même. Son autonomie est intacte à part quand il doit partir de la maison ou y revenir (mouais, je sais, fallait pas habiter au sommet d'un hameau avec une pente de 15% et 4 car postaux dans chaque sens qui le desservent chaque jour). J'ai suivi une formation accélérée d'infirmière à domicile, option "piqûres et pansements". Y a des impératifs. Disons qu'on a pas mal révisé notre conjugaison. Le lundi après l'opération, le téléphone a sonné: la maîtresse de Platinum, qui s'était entaillé le genou. Peut-être qu'à une autre période, je serais descendue le chercher pour m'assurer qu'il ne fallait pas faire des points. Là, j'ai cautionné la solution "stéri-strip et on verra plus tard". Parce qu'avec l'impératif imparfait à gérer, sur ce coup-là j'ai inventé l'impératif relatif.