Ce blog c'est...

Un peu de tout, de moi, de nous... A lire, à sourire, à commenter et à partager!

lundi 5 octobre 2015

Quand je serai grand, je voudrais être... (1/2)


C'est généralement assez drôle de se rendre compte de la perception que les gens ont de ta profession. Faut bien avouer que même si on croit pouvoir imaginer avec plus ou moins de précision l'emploi du temps d'un enseignant ou d'un facteur, tous les emplois ont leur face cachée... et puis il y a plein de métiers qui ne sont que des désignations sans que l'on s'imagine vraiment ce que ces professionnels font de leurs journées. Ca me rappelle un épisode de Friends où Chandler n'en revenait pas qu'aucun de ses amis ne sache finalement le job qu'il exerce. Je me sens un peu pareil quand on me demande ce que fait mon mari. Je sais le nom de la boîte, je sais la fonction, j'ai même déjà visité les locaux. Mais quand le téléphone de piquet vibre pour signaler une alarme lyophilisateur ou pression basse local 142, je n'ai en toute honnêteté pas la moindre idée de ce qu'il va trafiquer sur place pour y remédier. Je me dis juste qu'il doit être sacrément fort, mon homme, pour savoir gérer ça.

C'est comme ça pour plein de métiers, mais quand il s'agit du nôtre, ça nous paraît toujours clair - et donc étrange que le commun des mortels ne visualise pas à quoi ressemble notre journée de travail. La petite image ci-dessus doit exister pour bien des professions. J'ai expérimenté dernièrement l'avis sans fioriture de mes blondinets sur la question. Tout d'abord celui de Blondinet Ier, qui aurait signé tout de suite pour un emploi de traducteur labellisé "Armée suisse" en voyant qu'il y avait des images de chars d'assaut (enfin, à peu de choses près, on est en Suisse, on assaille pas vraiment hein) dans le document que j'étais en train de traduire. J'ai réentendu le gosse de La vita è bella, lorsque, à la fin du film, il constate éberlué que son père ne lui avait pas menti et grimpe dans le char des alliés. Un caro! Un caro vero! Mais avant que mon premier-né ne signe son engagement aux Forces terrestres, j'ai bien dû lui avouer que ma connaissance de l'engin se limitait à ce qu'il voyait à l'écran. Ah bon, si on peut pas aller dedans, c'est tout de suite moins marrant. Finalement je vais quand même faire footballeur (OK, mais travaille quand même à l'école en vue du changement de voie qui t'attend quand tu auras compris le ratio appelés/élus de cette vocation).

Une autre fois, Blondinet II étant arrivé de l'école avant que j'aie terminé mon pensum du jour, il m'a interrogée sur les raisons obscures qui me faisaient naviguer entre mes deux écrans, mes 13 fenêtres ouvertes, d'un dictionnaire spécialisé à un texte de référence et du texte source au texte cible. Je lui ai donc montré, patiemment. Lire, comprendre, et redire dans une autre langue - la nôtre - la même chose sans que la personne qui le lise se rende compte que ça n'avait pas été écrit en français dès le départ. J'étais plutôt fière de ma petite démonstration, jusqu'à ce que Blondinet II demande: "Et après, tu fais quoi?" Euh... Ben la même chose avec la phrase suivante, le paragraphe suivant, les 24 pages suivantes. "Mais tu fais ça TOUTE LA JOURNÉE??" Stupeur et tremblements. Aux yeux (malicieux) de mon fils de 8 ans, ma profession a à peu près le même intérêt que le travail à la chaîne dans une usine. Cruelle désillusion.

Avec les potes aussi, il y a parfois matière à désillusion. Déjà les amis, sortez-vous de la tête l'idée que vous pouvez me faire traduire simultanément en anglais le dernier Passe-moi les jumelles pour votre cousin Arthur arrivé hier soir de Nouvelle-Zélande et passionné d'ornithologie. Je ne sais pas dire gypaète barbu en anglais. Ce n'est pas ça, mon travail. Je ne suis pas bilingue, ni tri, ni quadri, ni rien du tout. Je ne parle pas d'ailleurs (prière de ne pas ricaner), ceux qui parlent avec un casque sur la tête et un micro dans votre oreillette quand vous allez à une conférence internationale sur le réchauffement climatique, ce sont des interprètes. Moi j'écris, uniquement, et j'écris en français, à l'exception des communications avec les clients. Inutile de m'envoyer votre CV à traduire en allemand dans l'espoir de trouver un emploi outre Sarine, vous seriez sans doute recalé au premier round. Vous croyez que je chipote pour cause de flemmingite aiguë? Rappelez-vous le dernier mode d'emploi d'un appareil produit en Chine que vous avez essayé de déchiffrer. Il est sûrement le produit d'un pseudo-traducteur que l'on pensait assez qualifié pour traduire vers le français et qui ne chipotait pas, lui. Et puis on ne peut pas tout faire. Je change déjà de langue source et des fois je m'en rends pas compte tout de suite, c'est un peu comme changer la langue de l'audio-guide quand t'es dans un bus touristique pour visiter une capitale sans t'esquinter les panards (N.B: toujours faire le tour dans le bus touristique: le shopping et l'apéro y sont des plus limités, mais t'as l'air moins bête quand tu racontes ton voyage et qu'on te parle de tel musée ou tel monument; au moins, tu les as vus de l'extérieur), sauf qu'il faut s'arranger pour comprendre ce qu'il y a sur tous les canaux. Ce qui semble finalement déjà une performance honorable. Sauf quand on te sort "aaaaaaaaaah mais en fait t'es pas capable de traduire du bas-valaisan en haut-valaisan?". Si. A peu près avec la même aisance qu'un gestionnaire de fortune à qui on demanderait de construire un cabanon de jardin (si tu n'es pas de ma parenté par alliance et que tu ne comprends pas cette comparaison, c'est normal). Donc je m'abstiens. Et personne ne comprend ce que je fais finalement, si je ne fais pas ça. Mais croyez-moi, il y a bien assez de gens qui écrivent des trucs plus ou moins intéressants en allemand et qui se disent qu'ils aimeraient bien que les Welsch bénéficient du message pour que mon risque de chômage technique soit nul. Y a même une poignée de Tessinois qui font pareil histoire de varier les plaisirs. Et si vraiment la Suisse devient un jour une terre stérile pour le traducteur, où tout le monde parle l'Espéranto ou une autre langue unique, il me restera le Canada. J'ai testé, z'aiment toujours bien le français par là-bas. Le vrai, celui qui aime pas les mots anglais. Ils regardent "Beautés désespérées" et "Le Trône de fer", eux, tandis qu'ici tu prends une pluie de postillons dès que ton interlocuteur essaie de te parler des dernières aventures de Sansa Stark. Donc le traducteur a de l'avenir, ici ou ailleurs.

Je ne sais même plus quand j'ai commencé cette note de blog tellement ça remonte, et le temps de finir correctement me manque à nouveau... alors une fois n'est pas coutume, je vais mettre un to be continued  qui ferait dresser les poils à un traducteur québécois, en vous promettant un pavé féministe (si, si! et je le revendique d'avance!) sur le manque de reconnaissance de mon deuxième métier, sachant déjà que toutes les lectrices m'en seront éternellement reconnaissantes et que tous les lecteurs tireront un peu la tronche devant l'obligation d'admettre que, tout de même, c'est pas tout faux. To be continued, donc.

1 commentaire:

  1. Me réjouis pas de ton prochain article....un truc féministe, mais c'est lourd ! Aujourd'hui, ce sont les femmes qui commandent....à la maison.

    RépondreSupprimer