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vendredi 9 octobre 2015

Gazette de la foirinette

Oui, je sais, j'ai promis un 2e épisode féministe sur la vie professionnelle de la trentenaire du  21e siècle, mais dans la vie y a des impératifs saisonniers auxquels nul ne peut se soustraire. La première dizaine d'octobre en fait partie. Je ne pensais pas spécialement en faire un rapport détaillé, mais honnêtement, ça vaut le détour. Je précise tout de suite que je n'ai pas personnellement vécu toutes les situations décrites, sinon il faudrait vraiment s'inquiéter pour mon foie moi; mais on croise du monde, pendant cette première dizaine d'octobre, et ce qu'on ne vit pas et ce qu'on vit mais dont on a aucun souvenir nous est toujours rapporté.
Donc pour les non-locaux de l'étape "comptoir", la très élégamment baptisée Foire du Valais se déroule plus ou moins les 10 premiers jours d'octobre. C'est une foire qui a l'air comme les autres sur le papier. Mais sur le papier seulement.

La première différence tient à ce panneau que les visiteurs croisent la sortie. Normalement, les foires et autres expos remercient de la visite et lancent un "à bientôt" approprié. Chez nous, c'est ça:


Je crois que je pourrais arrêter là tellement c'est limpide. Mais comme j'ai quand même relevé quelques anecdotes au cours des derniers jours, je vais continuer.

Donc le Valaisan aime sa foire. Le Martignerain aime le comptoir. Il ne réfléchit pas des lustres à la caisse, il demande immédiatement une carte permanente. Il faut venir 4 fois pour l'amortir. De mémoire de blagueuse, je ne me souviens pas avoir rencontré quiconque regrettant l'investissement pour cause de non-amortissement. Il y a les gens qui viennent à la Foire du Valais comme on va au Comptoir Suisse ou à BEA Expo, eux, on aurait pu (dû?) leur dire merci pour la visite. Et puis il y a le Martignerain, celui à qui on dit "à demain". De la ville, du Bourg ou de la Combe, il commence inconsciemment le décompte à J-355. Quand les tentes blanches commencent à se monter aux abords du CERM (centre d'expo), une excitation tangible règne sur la ville. Les réseaux sociaux s'animent. Le comptoir arrive, faisant à lui seul oublier les délices estivaux, la piscine, les glaces, le paddle board. Le jour J approche, les feuilles jaunissent, rougissent, tombent, l'air se fait frais et le Martignerain se fait impatient. Enfin le jour J arrive. Le temps se suspend... ou plutôt change de rythme, phénomène étrange, entre accélérations et suspensions successives.

Jour 1 - vendredi: la rumeur monte du CERM. La frénésie s'empare de la ville. Les plus impatients sont là à 10h pile, pour fouler en premier le goudron de la Terre promise. Nouveautés. Tourniquets à l'entrée. Expo. Haut-parleur. Tous les ingrédients sont là. Espace live, espace gourmand, les repères sont là eux aussi. Premier apéro. Plus si affinités. Et y a toujours des affinités au comptoir. Toujours. Tout d'un coup l'horloge se met à tourner plus vite sans que tu comprennes pourquoi. Apéro. Dîner. Ou pas. Manger c'est tricher. C'est aussi survivre. Mais des fois, le 1er jour, tu oublies et tu te remets du solide dans la panse que quand tu penses. Et tu penses pas souvent, parce que tu croises Jean-Etienne et Ginette que t'as pas revus depuis l'an dernier (au même endroit), et trois mètres plus loin tu croises Rodolphe, Pierre-Antoine, Riri et celui-dont-tu-oublies-instantanément-le-nom en sortie de boîte. Tu discutes. Tu bois une. Tu penses pas, donc tu manges pas. Plus tard, tu penses plus parce que t'as trop bu. Au final tu manges jamais. CQFD. A 23h tu parcours la moitié de la ville à pied parce que les flics sont forcément de sortie pendant le comptoir. Tu t'arrêtes pas trop au Motel parce que c'est bondé. Tu passes chez Paulette voir si y a du monde. Trois cougars sur la piste de danse, deux soûlons au bar, même Paulette accuse le coup. D'habitude, chez Paulette, y a Nicolas. C'est un peu le Gilbert Montagné du Bourg, version homme orchestre. Il gesticule moins mais il y voit rien. Le seul hic c'est que contrairement à Gilbert, il a une mémoire visuelle. Pour la musique ça va plus ou moins. Pour les paroles c'est un plus délicat. Du coup, quand Nicolas est au clavier, on est entre l'homme orchestre et le karaoké. Ceux qui chantent savent les paroles, à jeûn. Mais à l'heure où ils arrivent pour youtser avec Nicolas, y a belle lurette que les paroles se sont perdues dans leurs esprits embrumés. Ca chante fort, ça chante mal. Quand t'as plus de voix, tu files à la New St-Michel. Cette année, Nicolas n'est pas là, alors tu files un peu plus vite. Longtemps indispensable à l'after-comptoir, la tente de la St-Miche a migré. C'est toujours les mêmes gens dedans. Donc quand j'avais 18 ans, c'était jeune. Maintenant c'est comme moi. Ceux de 18 ans, y z'étaient pas né du temps de la première St-Michel. Comme elle a canné pendant un bon bout de temps, les jeunes ont d'autres repères. C'est pas plus mal, ça dilue la foule, à défaut de diluer l'alcool. Pis au milieu de gamins de 20 ans, on trouverait peut-être Goldman ringard et Balavoine has been. Tandis que là, la playlist nous semble top. A 3h, on rallume les lumières et on te pousse vers la sortie. Si t'as du bol tu chopes une pizza ou un hot dog en partant. Ton estomac t'en sera éternellement reconnaissant.

Jour 2 - samedi: petite mine au réveil. A 8h, tu prends conscience de tes obligations parentales. Tu émerges. Tu bois de l'eau. Tu souffres. Pas grave. Tous ceux que tu croises sont dans la même galère. Enfants; foot; apéro foot. Fuite temporaire. C'est bon, tu assumes, tu peux être fier de toi. T'arrives au rond-point, tu réalises que t'as oublié un des gamins au stade. Toute fierté est remise en cause; mais ça fait rire les potes. A 14h, tu t'effondres un moment sur le canapé. A 18h, la rumeur monte. C'est reparti pour un tour.

Jour 3 - dimanche: comme le jour 2. Sauf que tu repousses les obligations parentales jusqu'à 10-11h. Quelques parties de FIFA 16 n'ont jamais tué personne. Après tu pars en mission "le comptoir avec les gosses c'est bonnard". Et moins risqué. En théorie, du moins, parce qu'en pratique, ils ont réussi à mettre suffisamment de stands où tu peux boire manger à proximité des carrousels pour que les mioches ne puissent pas se perdre pendant que leurs géniteurs sont à l'apéro. Quand le budget autos tamponneuses est à sec, ils trouvent à s'occuper. Les gosses, au comptoir, ça a un détecteur à jeux foireux où tu peux gagner des stylos, des bonnets, des lunettes, ... Y a des animaux à voir, des barbapapas à manger. Ca s'occupe tout seul quoi. Pendant ce temps, toi tu t'occupes du budget pinard. Bizarrement, t'es pas aussi sensible aux chiffres rouges que quand il s'agit des carrousels. A 20h, ta conscience se réveille et tu te rends compte que demain, y a école. Tu rentres à contre-coeur. Ils s'amusaient tant bien, les enfants.

Jour 4 - lundi: prise de conscience matinale de ton indignité parentale. Les gosses sont HS. Toi tu vides deux barrages avant d'aller bosser. 17h. Rdv de la classe/du comité/des potes: y a que la première lapée qui est difficile. Si tu bois du bon, ça passe. Là tu manges. Faut pas pousser mémé quand même. A 21h30, on refuse de te servir à l'Espace gourmand et tu migres au Motel. Contrairement au week-end, c'est abordable. De toute façon y a pas de New St-Michel en semaine. T'arrives dedans, y a Taquet au micro et Gilbert qui accompagne. Magic Men ils s'appellent. Un véritable mythe vivant. Je connais aucun autre orchestre capable d'enchaîner "Toi qui voulais toucher la chatte à la voisine" et "Anton aus Tyrol". La folie. Donc tu te trémousses un peu en chantant à tue-tête. Après 2 min 30, t'as les semelles qui collent par terre comme si tu marchais sur une chique à chaque pas. Tu t'en fous, t'as pas mis des chaussures dommages. Le dress code du comptoir, c'est tout un art: des chaussures qui ont déjà vécu, une veste pas trop dommage parce qu'elle finira jetée qq part, du multicouche pour assurer les transitions dedans-dehors sans se choper une pneumonie. Et un sac en bandoulière pour poser toutes les couches que tu portes pas à l'intérieur. S'habiller pour aller au comptoir, c'est à peu près comme faire sa valise pour partir en Angleterre: faut parer à toutes les éventualités et être imperméable... Mais revenons au Motel. Non seulement t'as les pompes qui adhèrent au plancher, mais en plus, plus la soirée avance, plus c'est bondé, et plus tu te fais transpirer dessus par des gars répugnants avec une haleine de fennec et une odeur corporelle rappelant le vestiaire d'une équipe de hockey. Autant dire que si t'es en couple, tu fais pas trop gaffe, mais les célibataires, c'est pas dans cette boîte de sardines parfumée au hareng périmé qu'ils doivent chercher des plans drague. N'empêche, bonne ambiance pour un lundi. Tu te demandes si tous ces gens, ils bossent le lendemain. Peu importe, le gouffre temporel englobe toute la ville et les employeurs se montrent compréhensifs face au manque de productivité. De toute façon, ils sont pas là pour vérifier que tu pionces pas à ton bureau, ils ont apéro au comptoir avec un client.

Jour 5 - mardi: comme le jour 4. Pendant la journée, tu prends le temps d'aller faire des courses pour remplir le frigo. Fruits et légumes exclusivement. Faut essayer de compenser le régime tartare/foie gras des adultes et hot dog/gaufres nutella des enfants. Dès 17h: comme le lundi.

Jour 6 - mercredi: le jour des enfants. Alleluia. Comme le jour 3, 1h d'attente au stand du Nouvelliste en plus, histoire de faire dédicacer des maillots de foot. La dédicace du FC Sion est aux mamans de garçons ce que le passage au Motel est à tout foireur aguerri: indispensable.

Jour 7 - jeudi: tu te dis que la fin approche. Tu sais pas encore si c'est une bonne nouvelle ou pas. Ca te manque presque déjà, cette histoire. En revenant de la banque - renouvellement du budget pinard autos tamponneuses oblige -  tu croises une copine qui n' a plus de voix et n'enlève pas ses lunettes dans un parking sous-terrain. Tu te sens moins seul dans ton sentiment de fraîcheur à jamais perdue. Cernes marqués. Si t'étais un ours, tu serais sans doute la variété "à lunettes". Les organismes sont éprouvés.

Jour 8 - vendredi: TGI Friday. Donc on y retourne et demain y a pas école. Y a foot, mais bon, ne chipotons pas. Dans un élan de motivation, tu vas dîner tranquille en te disant qu'il n'y a aucun risque de rester coincé. Erreur de débutant. Quand tu arrives enfin à t'échapper pour retourner au boulot, tu te demandes si tu as vraiment grandi à un jet de pierre de ce lieu de perdition, pour te faire encore avoir comme ça à passé 30 piges. Mais bon, tu t'es échappé. Momentanément. Vivement 17h. Retour au jour 1, respectivement jour 2 pour le samedi 9e jour.

Jour 10: dimanche: tu te dis que c'est bon, que t'as ta dose. C'est décidé, aujourd'hui, t'y vas pas. Tu l'entends pourtant encore, la rumeur. C'était pas une si bonne idée d'aller habiter un peu sur le coteau, en fait. Tu vois les tentes, tu sens la fin de la ferveur. Du coup il suffit d'un rien: un gosse qui demande hyper gentiment une dernière barbapapa, un message un peu insistant d'un copain qui revient des Maldives justement aujourd'hui et irait bien faire un tour, et c'est reparti, une dernière fois. Promis, on fait pas long.

Je ne sais pas si la Foire du Valais est la plus grande foire de Suisse romande, de Suisse, ou du monde - sujet qui a fait débat dans la région en début de semaine. Mais ce que je sais, c'est que les Martignerains, pure souche ou d'adoption, entretiennent avec elle un rapport passionnel qui souvent les empêche de quitter les lieux jusqu'à ce que les sécus les poussent vers la sortie  à l'heure (décente) où ils pensaient rentrer. Elle les attire autant qu'elle leur fait du mal. Ils en redemandent, jusqu'à la der des ders. Pour cette année il nous reste 2 jours et des brouettes, profitons-en avant de sombrer dans l'attente impatiente de l'automne prochain! Pour l'instant, l'heure est aux festivités, alors santé!

http://www.foireduvalais.ch/fr/



3 commentaires:

  1. Raconté comme ça...cela fait presque envie !

    J'ai ri à l'évocation de l'orchestre "Magic Men" !!! C'est quand qu'ils font l'Arena ou le Paléo ?

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    1. Mais nous t'attendons de pied ferme entre le 30 septembre et le 9 octobre 2016. Y a même une bus spécial qui remonte jusqu'à ta résidence secondaire. Quant à Magic Men, quand je t'aurai précisé qu'ils ont joué "Dix ans plus tôt" sur le coup des 1h du mat, je suis sûre que tu feras la queue à l'entrée du Motel sans broncher

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  2. Oh, y'z'ont même Sardou à leur répertoire ! Tu m'as achevé ! Vais venir en 2016 ou 2017 (cela dépend du vent....)

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