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Un peu de tout, de moi, de nous... A lire, à sourire, à commenter et à partager!

vendredi 22 avril 2016

Umerus fractus est

Des fois tu te retrouves dans une situation improbable qui te rappelle un mauvais film, ou une série télé. En 100 fois moins pire, évidemment, faudrait pas croire que notre petite vie est assez passionnante pour tenir des spectateurs en haleine ne serait-ce que 45 min. Mais quand même, c'est une impression étrange. Dans le genre, un malheureux incident nous a conduits aux urgences avec Platinum dernièrement. Je peux pas vous expliquer le pourquoi du comment, j'étais pas là, j'avais sieste. Le co-chef de gang a géré, comme un chef, soit dit en passant. Chute du petit. Permanence médicale. Coude luxé. Ouille. Tout compte fait faut aller aux urgences. C'est là que s'interrompt ma sieste pour une répartition plus équitable de la charge familiale. Un petit feuille-caillou-ciseau plus tard, j'embarque le blessé tandis que le pater familias rapatrie les valides.

Je n'ai pas d'appréhension particulière vis-à-vis des hôpitaux. On y a vécu des trucs terriblement douloureux comme des moments d'une intensité indescriptible. Des départs et des arrivées.
Là ça va. J'ai un boueb de 5 ans qui n'a pas l'air de trop souffrir, son coude est immobilisé (et je n'ai pas vu les dégâts avant qu'il le soit, ce qui n'est pas un mal), y a pas de brancard qui passe avec un type empalé sur un échalas, l'ambiance est sereine, on est pas dans Urgences quoi. Y a une gentille infirmière style mamie gâteau qui nous accompagne partout. Défilé de personnes en blouses blanches. C'est pas Urgences, mais ça pourrait être Grey's Anatomy et je vous défends de vous moquer de mes références télévisuelles. Pas facile de suivre, entre la Dr Torres du coin (en moins pulpeuse), l'anesthésiste qui a un petit air de Sloane (pas celle de Peter, celui de Grey's), le Karev en herbe (dont ni le patronyme ni l'accent ne te permettent de définir l'origine). Le bilan est sympathique: du tout grand art. "Vous voyez ce bout là? ben normalement il est rattaché au reste. Et normalement il est dans l'autre sens." Ah voilà. Mentalement, j'essaie de reconstituer le puzzle en faisant abstraction du fait que c'est d'un os de mon fiston dont on parle. Bref, ça cause opération, anesthésie, jeun ou pas jeun. J'ai droit au défilé complet 2 fois. Suivi d'un cortège d'excuses parce qu'ils ne peuvent pas opérer tout de suite. Il y a une urgence vitale. Je me dis qu'il doit y avoir le fameux brancard avec le type empalé sur son échalas quelque part dans les couloirs qu'on a empruntés. Brrrr. Intérieurement, la louve qui sommeille en moi pourrait bien dire "laissez-le caner, y a mon bébé qui a mal là!"; mais évidemment, je relativise avec toute la compassion de circonstance. En attendant qu'ils sauvent le malheureux, on monte en pédiatrie. Y a la télé. Mais pour faire oublier à un enfant de 5 ans qu'il ne peut pas boire alors qu'il crève de soif, c'est léger. L'attente est longue. Mais c'est un peu comme aller chez le dentiste: tu sais que t'as pas le choix, tu te réjouis que ce soit derrière, mais tu te réjouis tellement pas du moment M qu'attendre, c'est pas si pire. Moi je balise, parce qu'il est 19h et qu'un type qui en est peut-être à sa 36e heure de garde (avec une sieste crapuleuse avec une neurochirurgienne en salle de repos au milieu) va endormir mon fils de 20kg tout mouillé, et un autre qui sort peut-être d'une opération de 8h (durant laquelle il a parlé des problèmes de couple de sa coloc' avec l'infirmière de bloc) va lui ouvrir le coude pour y mettre deux vis. Je sais, c'est des peut-être. Mais quand même. Si je veux bien laisser survivre le type à l'échalas, je n'en reste pas moins une louve. Et puis mon petit, il a juste envie que ça s'arrête. Il en peut plus d'expliquer ce qui lui est arrivé. On lui dit plein de mots qu'il ne peut relier à rien. Il a juste peur. Et c'est dans cet état là qu'on vient nous chercher. On essaie de se concentrer sur les trucs marrants. La blouse d'hôpital avec les fesses à l'air. Prendre l'ascenseur dans son lit. Ca marche pas des masses. Trois blouses vertes, charlottes vissées sur la tête. Tiens, l'une des trois, je la connais (d'habitude quand je la vois, elle fait un stretching tellement plus stretché que moi après le cours de spinning qu'elle finit en grand écart). Ca devrait me rassurer, mais en fait pas trop. La porte rouge se referme sur mon louveteau en pleurs. Heureusement y a Lexie qui me remonte le moral. Elle est chou, Lexie, elle me trouve même un plateau repas qui traîne histoire de me remplir la panse pendant que mon fils se vide probablement de son sang sur la table d'opération et se fait réanimer à grands coups de palettes se fait rafistoler l'humérus. Et puis l'attente. Comme à la télé. Vraiment. Sauf que j'ai un ado de 14 ans qui est passé 3 fois sur le billard - pour un ongle incarné qui a mal tourné - pour me tenir compagnie, et sa maman qui a trèèèèèèèèèèès envie de parler. Alors j'écoute. Autant dire que quand Karev arrive pour me dire que l'opération s'est bien passée, la libération est double. Comme je suis novice totale en matière de narcose et de tout ce qu'a subi mon ptit dernier une fois la porte rouge passée, je ne suis pas pleinement rassurée en le retrouvant à moitié dans les choux. S'ensuit une longue nuit. Ca bippe, ça entre, ça perfuse, ça repart. Et puis ce fichu machin au doigt qui tombe dès que mon petit loup bouge, et l'inquiétante sonnerie de la machine qui a perdu son pouls... Mais son coeur bat, il dort, lui. Tout va bien. Au petit jour, c'est un Platinum aussi énergique et plein de vie que d'habitude que je retrouve, et la salle de jeux n'est pas assez fournie pour occuper les heures durant lesquelles il doit encore rester en observation. Peu importe.
Dans ce service que nous avions eu la chance de ne jamais fréquenter jusqu'ici, on croise des enfants qui semblent évoluer comme chez eux; certains y passent des jours, des semaines, des mois peut-être. Alors quels qu'aient été mes peurs, mes angoisses, mes moments de ras-le-bol pendant ces quelques heures dans "la boîte orange", quelle que soit mon impatience d'en sortir, je sais que ce n'est qu'une question d'heures avant de retrouver mes trois enfants en plein santé - exception faite d'un bras droit, mais ne chipotons pas - dans le confort douillet de notre chez nous. Parfois, un petit malheur aide à savourer la chance immense que nous avons.

vendredi 8 avril 2016

Moi, monitrice à la semaine de ski des écoles

Tous les ans depuis 5 ans, bien avant Noël déjà, les blondinets rentrent de l'école avec une lettre attendue: l'annonce de la semaine de ski des écoles. Par chez nous, cette dernière est traditionnellement fixée à la deuxième semaine de janvier. Il fait froid, il fait nuit à 16h, mais c'est pas grave, on est des guerriers. Sauf qu'en ce début 2016, le ciel a été contre nous: la deuxième semaine de janvier a connu la météo la plus pourrie jamais observée en Valais sur 7 jours consécutifs. Mais notre modeste école ne manquant pas de ressources, on a déplacé le bins à mars. Flexibilité, efficacité, trop envie de skier.
Qui dit semaine de ski des écoles, dit moniteurs requis. 160 gamins lâchés sur le domaine de Verbier accompagnés par notre poignée et demi d'enseignants, ça serait effectivement un peu juste. Dès lors, chacun réagit en fonction de ses prédispositions et de son vécu: il y a les parents qui ne skient pas, n'ont pas de créneau au boulot ou juste pas envie. Il y a les parents qui, conscients qu'il ne peuvent pas éternellement compter sur les parents des autres pour donner un coup de main alors qu'ils ont eux-mêmes contribué efficacement à l'augmentation de la démographie scolaire avec leurs quatre ou cinq rejetons, se débrouillent pour avoir congé un ou deux après-midi pour aller s'énerver avec les rejetons d'autres, qui n'ont parfois jamais mis les skis aux pieds. Et puis il y a ceux qui posent une semaine de congé, y vont la fleur au bout des skis, le sourire aux lèvres et le pas leste dans leurs chaussures de 3kg chacune: généralement ce sont ceux qui y sont déjà allés les années précédentes. J'ai été dans la 2e catégorie la première fois. J'ai vite passé dans la suivante.

Voilà le décor posé. On remplit le formulaire des disponibilités. C'est juste après que ça devient drôle.
Le premier jour, une fois que tu as envoyé tes propres mômes auprès de leurs moniteurs respectifs, tu vois débarquer près de toi enfants plus ou moins dubitatifs face à l'aventure et parents plus ou moins confiants. Pour les "bleus" qui viennent pour la première année, le défi est de taille. Il y a ceux qui ont du mal à lâcher maman. Ceux qui pleurent carrément à chaudes larmes. Ceux qui te regardent - pas tout à fait à tort - comme un animal préhistorique (généralement le regard s'adoucit une fois que tu leur a présenté ton arbre généalogique descendant et qu'ils visualisent le blondinet qui est chez Maîtresse Joséphine et celui qui est en 7e). Ceux qui n'ont pas de bâtons. Ceux qui ont des bâtons et croient que tu vas les leur porter (et déchantent rapidement). Parmi les parents aussi, l'éventail des cas sociaux de figure est large, entre ceux qui larguent le fardeau en bas de la rampe d'accès à la gare (et dont finalement, tu ne connaîtras jamais la trombine) et ceux qui viennent t'apporter leur pharmacie ou la garde-robe complète de leur bambin "juste au cas où" (ça peut aller des chaussettes en poil de yak au masque à oxygène, parce qu'à 2000m, tout de même...) tout en te précisant qu'Henri-Philibert a tendance à avoir froid à l'auriculaire gauche à partir de -8 degrés et qu'il faudra donc y prêter une attention toute particulière.

Le deuxième temps fort de la journée de ski, c'est lorsque tu te retrouves avec 4 à 6 chérubins à autonomie variable devant 160 paires de ski étalées au pied de la station de départ de la télécabine. C'est à ce moment-là que Lucien-Fernand a besoin d'aller aux toilettes. Que Jeanine-Valérie ne trouve pas ses skis en dépit de la recommandation faite aux parents d'inscrire le nom sur les lattes. Que Sophie-Valentine réalise qu'on ne peut pas mettre des souliers taille 40 sur des skis réglés pour des souliers taille 36 et que lorsque la différence est trop importante, on ne peut pas juste régler la fixation avec une clé de voiture. Que Gustave a oublié son abonnement... Quand enfin toute la troupe a passé le tourniquet, tu fais ouf. Reste à gravir les deux rampes d'escalier. Chose aisée quand on n'est pas un enfant de 6-7 ans en godillots lunaires qui n'a pas franchement l'habitude de porter une paire de skis PLUS une paire de bâtons. Dans un élan de bonté ou un début de ras-le-bol face au temps perdu, tu prends alors une deuxième paire de skis, une troisième paire de bâtons, le casque de Lucien ou les gants de Jeanine. Tu refais ouf. Embarquement immédiat. Et puis c'est le moment de vérité: la première piste. Si tu as de la chance, le groupe "moyen faible" pour lequel tu t'es volontairement engagée dans un élan d'inconscience est plus moyen que faible. Donc ça skie. Avec des variantes entre la tranche de pizza et le toit de la maison, mais ça skie. Si tu as moins de chance, ça skie pas. Il y a l'enfant qui a peur. Il n'y peut rien, et tu fais de ton mieux pour l'aider à se lancer dans le "reck" à 1,2 % de déclivité. Tu dois parfois revenir à la bonne vieille méthode que tu as utilisée avec tes propres enfants. Sauf que prendre un boueb de 2 ans et 14kg entre les guiches pour faire un bout de descente ou faire pareil avec un galapiat qui t'arrive au menton et représente une masse inerte équivalent à 4/5 de ton poids, c'est pas franchement le même effort. Numériquement parlant, ça peut aussi être serré: deux moniteurs, 4 à 6 enfants: faut pas que le ratio des effrayés soit trop élevé. Sinon, tu dois aussi parfois revenir à la bonne vieille méthode remonte-pente-en-dehors-des-tire-fesses: en escalier. 
Il y a l'enfant qui croit qu'il sait, mais qui en fait ne sait pas. S'arrêter. Tourner. Tout ça tout ça. Tous ces trucs qui peuvent être utiles pour la vie en bonne harmonie avec les autres usagers de la piste, et pour l'intégrité physique du skieur en herbe, accessoirement. Comme il ne sait pas mais n'a pas peur, il tombe, fatalement. Comme nous sommes toujours en présence d'enfants à autonomie variable, soit il se relève, soit pas. Et toi, dans le deuxième cas, tu réutilises la bonne vieille méthode remonte-pente pour aller lui démêler les guiboles.
Autant dire qu'à ce rythme effréné, le nombre de pistes dans l'après-midi se compte souvent sur les doigts d'une seule main. Peu importe, si vous avez lu attentivement et fait un rapide décompte des montées en escalier par pistes, vous aurez compris que la descente n'est pas le principal effort physique de la journée. Outre les chutes, il y a aussi les moments où tu lances à Jeanine "laisse glisser", ce qui te semble plutôt limpide comme recommandation... pas pour elle, visiblement. Du moins pas suffisamment pour arriver en haut du faux plat montant qui mène au tourniquet du télésiège. Alors au lieu de laisser glisser toi-même, tu soupires un coup et tu lui apprends que la vie du skieur en ascension ne se limite pas aux escaliers, il y a aussi la variante en V. Expérience faite, 4 après-midis par an ne suffisent pas à acquérir une totale synchronisation skis en V, position correcte des bâtons, poussée. Disons que c'est pas tout à fait Cologna en skating. Par contre, les muscles fessiers confirment que cet effort répété remplace le cours de step auquel la dévouée monitrice a renoncé pour venir taquiner la poudreuse.

La semaine de ski des écoles, c'est aussi - surtout - un bon bol d'air frais, plein de bons moments avec des enfants la plupart du temps gentils et plutôt attendrissants, et des compagnons d'infortune bien sympas. Toujours un pour se payer ta tronche quand il te voit descendre Mayentzet telle Lara Gut à Cortina (quelques hurlements en plus) en essayant de rattraper un petit casse-cou qui a oublié le principe du chasse-neige et file tout droit dans la banderole "Slow". Ca permet de côtoyer des enfants que tu ne connaissais pas et parfois de trouver les tiens moins insupportables, d'autres parents que tu ne faisais que croiser jusque là, des enseignants qui ne t'ont pas trop dans le colimateur parce qu'il n'ont pas (encore) subi un de tes blondinets... Ca a quelque chose de fédérateur et de positif, ce qui n'est pas rien à l'heure où l'organisation scolaire donne des sueurs froides à bien des concitoyens. Bref, vive la semaine de ski des écoles :)